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Le retour des somnambules partie 3

Poursuivons notre analyse des faits méconnus.

 

On a beaucoup parlé des braves manifestants pacifiques de Maïdan. 90 % l’étaient, sans aucune contestation possible – démocrates et courageux. Mais, comme on le voit souvent à Paris, une masse de braves manifestants pacifiques a souvent comme seule conséquence une usure prématurée du bitume, mais rarement un recul du gouvernement, et jamais une fuite du Président. Pourquoi a-t-on alors si peu parlé des milliers de miliciens fascistes armés qui assuraient « l’autodéfense » ? Qui connait le bilan officiel de Maïdan pour les forces de l’ordre : 1 130 policiers blessés dont 200 par balle dont 17 morts ? [33] Que ferions-nous si des manifestants à Paris tiraient sur les forces de l’ordre en demandant le départ du président Hollande ? (dont la cote de popularité est bien plus basse que ce qu’était celle de l’ancien président ukrainien renversé).

 

Ayons aussi une pensée pour les manifestants innocents assassinés, mais sur la centaine de morts, bon nombre tiraient sur les policiers, et d’autres ont été tués sciemment par des snipers fascistes, comme l’a montré par exemple la chaine allemande ARD [34] et comme l’a reconnu partiellement le député chargé de suivre l’enquête. Et qui en Occident a-t-il relayé le fait stupéfiant que l’ancien procureur chargé de l’enquête sur ces meurtres – par ailleurs membre de Svoboda ! – avait perdu les armes et les douilles récupérées, et fait détruire bon nombre de documents… ? [35]

 

On nous présente aussi souvent l’UE comme une âme désintéressée, innocente dans cette crise. Pourtant, en manœuvrant pour conclure un accord de libre-échange avec l’Ukraine (où accessoirement, les salaires sont 30 % inférieurs à ceux de la Chine [36], ce qui va difficilement améliorer notre compétitivité…), et en sommant l’Ukraine de choisir son camp (« Un pays ne peut à la fois être membre d’une union douanière et dans une zone avancée de libre-échange avec l’Union européenne », José Manuel Barroso, 25/02/2013 [37]), alors que c’est un pays fragile, écartelé et très clivé, l’UE a joué un rôle important dans le déclenchement de la crise, d’autant plus qu’elle n’a pas voulu soutenir financièrement, ce que faisait la Russie. Pire, quand fin 2013 le président ukrainien, voyant le danger, a demandé l’ouverture de négociations trilatérales UE-Ukraine-Russie, Barroso a répliqué avec dédain : « Quand nous signons un accord bilatéral, nous n’avons pas besoin d’un traité trilatéral » [38] – du pur génie diplomatique, à rapprocher de celui de François Hollande ayant déclaré à l’époque « Nous ne pouvons pas, comme le président ukrainien le souhaite, payer l’Ukraine pour qu’elle rejoigne l’accord d’association. Non, nous ne paierons pas. » [39]…

 

Enfin, quand le gotha politique occidental (ministre et sénateurs américains, ministres canadien, suédois, allemand, polonais, commissaires européens…) est allé sur place soutenir les manifestants de Maïdan qui demandaient le départ du Président légitimement élu [40], il est évident que la Russie n’a pu considérer ceci que comme le franchissement d’une ligne rouge, une agression – certes de velours – mais une agression quand même, contre ses intérêts dans sa zone d’influence historique notoire qu’est l’Ukraine. Imagine-t-on des ministres russes, chinois et africains aller sur place soutenir (à bon droit) les manifestants noirs à Fergusson, cela plairait-il aux États-Unis ? En étant sorti de la neutralité qu’il aurait dû garder dans cette zone, l’Occident porte une responsabilité écrasante dans la crise ukrainienne. La Russie (sans être évidemment blanche comme neige) a la plupart du temps simplement réagi à ces actions.

 

On entend souvent que Poutine tire les ficelles de la rébellion à l’Est. Notons d’abord qu’aucune preuve convaincante n’a été avancée d’une réelle implication du Kremlin – mais admettons. Les faits ont cependant montré à plusieurs reprises que, si aide il y avait, elle était limitée (vu que les rebelles ont longtemps reculé) et que si Poutine influençait (peut-être) les rebelles, il ne les contrôlait pas. Au contraire, la Russie a refusé de reconnaitre les Républiques autoproclamées – alors qu’il aurait parfaitement pu le faire et envoyer des troupes sur place si elle avait voulu. Mais contrairement à la Crimée, la Russie ne revendique pas ces territoires (qui ne veulent probablement pas non plus être intégrés à la Russie) ; elle demande qu’on cesse les massacres de civils et les combats et que s’ouvrent des négociations pour trouver une solution viable. Est-ce extrémiste ?

 

Si un coup d’État fasciste survenait en Belgique, soutenu par la Russie, où les Flamands au pouvoir interdisaient le français dans le pays, serait-il étonnant que la Wallonie réagisse et ait envie de faire sécession – comme en Ukraine ou des centaines de milliers de votants se sont clairement exprimés le 11 mai ? Et que ferions-nous si l’armée belge attaquait alors la Wallonie, et bombardait lourdement Liège causant, comme en Ukraine, près de 3 000 morts essentiellement civils ?

 

Alors morigéner la Russie si elle soutient les combattants à l’Est, pourquoi pas, mais cela ne peut clairement pas venir des États-Unis ou de la France ! Pas après l’Afghanistan, l’Irak, la Libye (100 % d’échecs dramatiques), pas après avoir livré des armes à des islamistes en Syrie pour déstabiliser le gouvernement syrien – les mêmes islamistes que le « Maître de la Maison Blanche » bombarde actuellement en Irak (ou est la cohérence ?). La Russie qui n’a ainsi envahi aucun pays depuis son retour à la Démocratie il y a 25 ans se retrouve accusée « d’impérialisme » par les États-Unis qui ne passent pas une année sans bombarder un pays sur la Planète : on croit rêver !

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[33] http://www.les-crises.fr/le-bilan-officiel-de-maidan/

[34] http://www.dailymotion.com/video/x1qnu74_ard-qui-est-responsable-du-carnage-de-maidan-11-04-2014_webcam

[35] http://www.les-crises.fr/documents-snipers-disparu/

[36] http://www.les-crises.fr/ukraine-le-pib/

[37] http://www.ukrinform.ua/eng/news/barroso_reminds_ukraine_that_customs_union_and_free_trade_with_eu_are_incompatible_299321

[38] http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/ukraine/10482680/EU-will-not-accept-Russian-veto-says-Barroso.html

[39] http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/ukraine/10482680/EU-will-not-accept-Russian-veto-says-Barroso.html

[40] http://www.les-crises.fr/u4-3-le-role-des-americains-et-des-europeens/

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