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Pétrole : que fait l’Arabie Saoudite ?

Après une chute de plus de 20% en ligne droite des cours du pétrole, Benjamin Louvet, nouvel Econoclaste,
nous gratifie d’un papier sur cet actif qui est sa spécialité.

Benjamin est Directeur Général Délégué de la société Prim’Finance et intervenant régulier sur BFM Business.

Pétrole : que fait l’Arabie Saoudite ?
 
Le pétrole connaît aujourd’hui sa plus forte correction depuis 2008, avec une baisse de plus de 25% depuis son pic du mois de juin. Les raisons de cette correction sont multiples.
 
Tout d’abord, la modification de la politique monétaire américaine et l’anticipation d’une remontée des taux outre Atlantique ont fait remonter le dollar. L’or noir, dont les transactions sont libellées dans la monnaie de l’Oncle Sam, a pâti de la hausse de valeur du billet vert. Les achats reculent et, avec eux, les prix.
 
Ensuite, les positions ouvertes des spéculateurs pariant sur une hausse des prix des produits pétroliers étaient, il y a encore quelques semaines, sur des niveaux historiquement élevés. La baisse des prix a entraîné la liquidation de ces positions. L’annonce, par ailleurs, de la décision de Calpers  (le plus important fonds de pension américain) et du fonds de retraites des fonctionnaires du Texas de sortir du marché des hedge funds, a également par ricochet poussé à des liquidations de positions.
 
A cela est venue s’ajouter un recul de la consommation mondiale de pétrole. La reprise économique étant moins soutenue que prévue, la consommation pétrolière mondiale a été, à plusieurs reprises ces derniers mois, revue à la baisse. On table désormais sur une hausse de la consommation limitée à 650 000 barils par jour en 2014, alors que l’Agence Internationale à l’Energie fixait la croissance à 1,3 millions de barils en début d’année !
 
Facteurs financiers, baisse de la demande, et enfin hausse de la production. L’accélération du développement de l’industrie du pétrole de schiste aux Etats-Unis a notamment permis à ce pays d’augmenter sa production de 1 million de barils  par jour cette année pour la troisième année consécutive, se plaçant ainsi au tout premier rang de la production pétrolière mondiale. Dans le même temps, la relative accalmie dans les affrontements en Libye ont permis au pays de revenir à 800 000 barils de production par jour, tandis qu’en Irak la production repartait de l’avant.
 
Face à ce faisceau d’éléments baissiers pour les prix du pétrole, les forces de rappel sont assez peu nombreuses. Mais il en est une sur laquelle l’ensemble du marché comptait pour rétablir l’équilibre et enrayer la chute des prix : c’est l’intervention de l’OPEP. Et plus précisément, au sein de l’OPEP, une décision de l’Arabie Saoudite de réduire sa production. Ce rôle de sauvegarde du prix de l’or noir en dernier ressort, le Royaume saoudien l’a toujours joué dans les dernières années, afin de préserver les revenus des pays membres du cartel qui ont besoin des recettes pétrolières pour équilibrer leurs budgets et ainsi préserver la stabilité sociale chez eux.
 
Prix du pétrole nécessaire à l’équilibre budgétaire, par pays producteur
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La publication des chiffres de production de l’OPEP a ainsi surpris tout le monde : l’OPEP n’a pas réduit sa production, et l’Arabie Saoudite non plus, ou à la marge. Est-il possible que le cartel ne réagisse pas ? Il le semble, d’autant que depuis, les déclarations des ministres du pétrole des principaux pays producteurs, à l’exception du Venezuela, ont fait savoir qu’il n’était pour l’heure pas envisagé de tenir une réunion d’urgence du cartel, ou de réduire la production.
 
 
Les raisons de cette attitude peuvent être nombreuses. Certains ont évoqué un pacte secret entre Washington et Ryad ayant pour but de faire plier les Russes et les Iraniens et de les obliger à négocier avec les forces occidentales. D’autres y ont vu plutôt une alliance entre les Saoudiens, les Russes et les Iraniens pour faire plier les producteurs de pétrole de schiste américain et reprendre le contrôle de la production pétrolière mondiale.
 
La réalité est sans doute beaucoup plus simple. A l’heure où les importations pétrolières américaines sont au plus bas depuis plus de 30 ans, où la croissance ralentit en Europe et où la santé économique des émergents est en question, le recul de la demande pétrolière entraîne une hausse des hydrocarbures disponibles à travers le monde. En conséquence, il n’est pas du tout certain que si l’Arabie Saoudite abaissait sa production, les prix remonteraient.
 
Tant que Ryad était la seule nation à avoir des capacités disponibles, il était plus facile pour le pays d’ajuster ces revenus en faisant varier les volumes. Aujourd’hui, le risque de cette politique est que d’autres acteurs profitent de ce retrait pour vendre leur pétrole, et que l’Arabie Saoudite perde des parts de marché.
 
L’Arabie Saoudite n’a dès lors d’autre choix que de laisser les prix baisser, jusqu’au moment où l’ensemble des pays producteurs, du moins dans l’OPEP, seront prêts à prendre leur part dans la réduction de production. Et en attendant, le royaume des Saoud aura peut-être une meilleure idée du seuil de rentabilité des pétroles de schiste américain, ce qui est toujours intéressant pour garder son influence sur la fixation des prix de l’or noir…
 
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Benjamin Louvet
Directeur Général Délégué
Prim’ Finance
11 réponses
  1. Jean-Luc Jourdain
    Jean-Luc Jourdain dit :

    Avez-vous les chiffres de la consommation mondiale de pétrole pour chacun de ces derniers 12 mois pour étayer votre thèse? Avec la courbe du PIB mondial ce serait superbe.
    Merci

  2. Jean-Luc Jourdain
    Jean-Luc Jourdain dit :

    Je précise ma pensée: si le PIB mondial augmente depuis ces 12 derniers mois, comment expliquer la baisse de la consommation de pétrole? Là comme ça, sans les chiffres, je ne crois pas en une baisse de la consommation. Ou alors tous les chiffres de PIB donnés par toutes les instances mondiales seraient pipeautés. Et si tous les chiffres sont pipeautés comment faites-vous pour y voir clair.

  3. Jean-Roland QUASTANA
    Jean-Roland QUASTANA dit :

    Bonjour,

    Les liens sur les graphiques sont cassés (Prix du pétrole nécessaire à l’équilibre budgétaire, par pays producteur) et ils ne s’affichent pas…
    Pouvez-vous y remédier…?
    Cordialement.

  4. Debugger
    Debugger dit :

    @LesEconoclastes
    Le commentaire de Jean-Roland QUASTANA indiquait que les liens des images dans l’article ne sont pas corrects (on en voit pas les images). Dans le code source c’est une URL vers GMail. Je pense à un souci de copier-coller au moment de la rédaction. Vous les voyez peut-être vous car c’est votre compte Gmail auxquels ces liens font référence mais pour les autres lecteurs il n’y a pas d’image.

  5. bocanegra
    bocanegra dit :

    il s’agit de la baisse de la hausse de consommation journalière de pétrole …pas de la baisse de la consommation globale. simplement les perspectives sont moins porteuses et il y a plus d’intervenants avec des stocks lourds qui se liquident. de plus l’arabie a augmenté sa production et ne l’a pas du tout réduite …donc il s’agit d’une lame à double tranchant : voir où en sont les américains avec leur schiste et plomber les russes qui eux aussi ont augmenté leur production de pétrole …l’arabie a de plus fait ces jours ,un prix très bas, aux us et qu’à eux, pourquoi ?! c’est une partie à multiples objectifs et pour l’instant tous y perdent du fric…nous consommateurs moins mais on en perd quand même, pas de quoi se réjouir ! cette comédie cache autre chose de bien plus important …à suivre 🙂

  6. JACKTRADER
    JACKTRADER dit :

    CALPERS n’est pas pas le fonds de pension américain le plus important.
    CalPERS n’est que le deuxième fonds de pension aux Etats Unis, C’est le fonds de pension des fonctionnaires de l’Etat de Californie.
    Le premier fonds de pension américain est le Federal Civil Service Retirement and Disability Fund,

  7. Joël Desseaux
    Joël Desseaux dit :

    La question est quel intérêt de perdre de l’argent en vendant plus de pétrole?
    A la marge ça se conçoit mais en divisant le prix du pétrole par deux cela devient difficilement compréhensible car cela leur fait perdre beaucoup d’argent et cela m’étonnerait beaucoup que les États-Unis compense les pertes à ce niveau.
    Alors ne faut il pas chercher le réponse ailleurs?
    Et si il faisait le forcing pour vendre le maximum de pétrole de leur réserve à un prix moyens avant que les consommateurs ne s’aperçoivent que les réserves de pétrole s’épuisent et que avec l’envolé du prix une fois le problème réalisé les ventes de pétrole s’écroulent et donc malgré le prix leurs bénéfices.

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