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Malgré des taux d’intérêt au plancher, l’immobilier recule à Paris

L’immobilier recule à Paris

J’ai été convié vendredi 27 mars à débattre à bâtons rompus avec André Malpel, organisateur du Salon de l’Analyse technique à l’espace Cardin, sur la thématique « Analyse chartiste/analyse fondamentale, quelle corrélation ? »

André défendait naturellement les chandeliers japonais, oscillateurs et autres unités de temps… et ma pomme se chargeait de rappeler que l’économie réelle concerne encore quelques pourcents d’habitants de la planète pour qui une vie ne se résume pas au cours de bourse (lequel contiendrait prétendument « toute l’information »).

Afin de mettre à l’aise les 99% de spectateurs fans des graphiques présents pour ce « duel », je me suis empressé de préciser que je venais en paix (comme les extra-terrestres de Mars Attack) et qu’un divorce amiable avait été prononcé depuis longtemps entre l’analyse technique et l’analyse fondamentale.

Le problème, c’est que l’économie réelle (objet de statistiques mensuelles ou trimestrielles) verse une pension exorbitante à l’économie virtuelle de la finance casino, dont les chats rendent compte à la milliseconde.

Je n’avais pas envie — et ne jugeais pas utile — de me lancer dans une nième édition de cette grande controverse théorique tranchée depuis longtemps par le postulat « le marché a toujours raison ». Je me suis donc attaché à demeurer très terre à terre, au plus proche d’une réalité qui suscite peu de controverse.

De l’analyse technique à l’immobilier…

Nous étions à l’Espace Cardin, entre la Concorde et l’Elysée — au coeur de ce que Paris propose de plus cher et de plus prestigieux en matière d’immobilier.

Le coût du mètre carré recule à Paris

Eh bien, en dépit des prix astronomiques et qui continuent de s’envoler à Londres (la cité-monde jumelle), en dépit de taux d’emprunt ultra-bas, en dépit même de la hausse du dollar qui renforce le pouvoir d’achat des investisseurs non-résidents, l’immobilier à Paris.

Compte tenu de ce que je viens d’évoquer ci-dessus, je ne miserais ma chemise du dimanche sur une poursuite de la baisse des prix tout au long de l’année 2015 dans la capitale. Les dernières statistiques de la chambre notariale sont sans équivoque : le mètre carré a reculé de 1,5% de décembre à fin février et de 2,8% sur les 12 derniers mois écoulés.

J’entends déjà l’objection : « c’est un prix moyen… je suis persuadé que le haut de gamme continue de grimper ». Sauf que ce scénario, qui était aussi le mien, est bel et bien démenti par les chiffres.

Ce sont vraiment les grands appartement des beaux quartiers — que les riches non-résidents s’arrachent en période de boom immobilier — qui voient leur prix chuter le plus rapidement tandis que les petites surfaces (plus accessibles à l’emprunteur francilien) résistent mieux.

En ce qui concerne le nombre de transactions, en dépit de « l’alignement des planètes » (prix de folie à Londres, taux bas, dollar — et donc yuan — fort), l’activité subit une véritable Bérézina : -12% en trois mois dans Paris intra-muros, -11% en petite couronne, avec une forte hausse de l’offre et pas de demande sur Neuilly, exils fiscaux obligent.

Les riches étrangers boudent Paris… et les classes moyennes ou moyennes supérieures n’ont toujours pas les moyens de s’offrir un mètre carré à 7 930 euros (prix constaté par la Chambre des Notaires, avec une large fourchette allant de 5 500 à 15 500 euros).

L’échec du QE

Les conditions d’emprunt optimales rendues possibles par la politique monétaire non-conventionnelle des banques centrales débouchent en France sur une situation tout aussi non-conventionnelle… parce que complètement contre-intuitive. En effet, l’activité du BTP reste non seulement complètement en panne sur l’ensemble du territoire — mais elle se dégrade à mesure que le coût du crédit immobilier recule, avec des mises en chantier de logements en recul de 1,8% en février et de 3,6% sur les trois derniers mois écoulés. Parallèlement, le nombre de permis de construire stagne en février mais chute de 3,7% depuis décembre.
L’INSEE n’a dénombré que 351 100 logements mis en chantier sur les douze derniers mois, soit 10,5% de moins par rapport aux douze mois précédents (2013/2014).

Les permis de construire — qui préfigurent la tendance future du secteur immobilier — refluent dans le même temps de -6,6%, à 368 000.

L’effondrement des taux d’intérêt ne stimule aucunement la demande.

Nous assistons donc dans le secteur immobilier à un échec complet du QE

Nous assistons donc dans le secteur immobilier à un échec complet du QE. C’est la réplique parfaite du scénario à la japonaise.

Même avec des prix inférieurs de 20% au pic de début 2014 (quand les taux longs étaient supérieurs à 2% et non inférieurs à 0,5%), les acquéreurs potentiels ne sont toujours pas solvables : les salaires ont progressé au mieux de 20% depuis l’avènement de l’euro, le mètre carré à Paris a pris 100%. Quant aux salariés, ils ont le sentiment que leur situation est de plus en plus précaire, avec des CDI qui deviennent l’exception et des CDD — parfois à temps très partiel — qui deviennent la norme.

Oui, les banques enregistrent des activités de crédit, mais…

Alors certes, les taux du crédit pour les meilleurs profils sont ultra-avantageux… mais l’emprunteur idéal se fait de plus en plus rare. Et rien ne l’incitera à emprunter s’il soupçonne que les prix de l’immobilier vont continuer de se contracter : qui souscrirait un crédit avec la certitude que le bien sous-jacent va perdre de la valeur ?

Je serais plus optimiste sur des biens qui n’ont pas connu le même phénomène de bulle qu’en Ile-de-France (ou sur Nantes, Lyon, Bordeaux). Le risque de moins-value me paraît limité et le rendement locatif pour un investisseur demeure attractif — à condition de ne pas concocter de nouveaux décrets « à la Duflot ».

Le discours des banques concernant le secteur immobilier sera naturellement aux antipodes de ce que j’ai évoqué face aux adeptes de l’analyse technique. Elles enregistrent une spectaculaire hausse de l’activité de leur branche crédit, ce que je ne conteste nullement, bien au contraire.

Certes, les emprunteurs se ruent dans les agences bancaires… mais pour restructurer leur crédit et se désendetter.

Là encore… un pur scénario à la japonaise.

Que les chartistes se rassurent : aujourd’hui, un scénario « à la japonaise », c’est une économie en stag-déflation… et des marchés financiers qui explosent à la hausse.

En totale déconnexion d’avec les fondamentaux : de la pure économie de bulle !

Philippe Béchade,

texte original sur le site la-chronique-agora.fr

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