Les experts du 16 mai 2015 – Grèce, taux et Code du travail

Olivier Berruyer

Olivier Berruyer était présent sur le plateau de Nicolas Doze ce mardi 16 mai en présence de Jean-Marc Daniel, directeur de la revue Sociétal, et Alain Madelin, président du fond Latour-Capital.

Grèce

Pour Olivier Berruyer, « on ne peut pas savoir ce qu’il va se passer » concernant les négociations entre la Grèce et ses créanciers.  Toutefois, l’avis de notre Econoclaste est simple : « les grecs ne céderont pas. » Nous nous retrouvons aujourd’hui face à un remix de la roulette russe, « c’est la roulette grecque, vous mettez trois-quatre balles dans le barillet en plus pour que ce soit plus drôle. »

Intervention d’Olivier Berruyer sur « la roulette grecque »

Jean-Marc Daniel s’accorde avec Oliver Berruyer sur le cas d’une « incertitude la plus complète. » Il va même plus loin en désignant Tsipras comme l’élément d’incertitude majeur au vu de ses changements de décisions réguliers, jusqu’à se demander « s’il ne cherche pas la démission. »

De plus, devant cette situation qui pourrit, « une lassitude générale est en train de s’installer » et il faudrait selon lui qu’il y ait enfin quelqu’un qui tape du poing sur la table.

Pour Alain Madelin la situation a dégénéré en crise politique là où « un mécanisme simple aurait résolu le problème depuis longtemps. »

« L’indépendance monétaire ce serait une bonne chose, et pour la Grèce, et pour la Zone Euro. Le problème c’est qu’on n’a pas mis en place de mécanismes de sortie, on ne sait pas comment ça peut se faire » Alain Madelin

La « grosse faiblesse » du système est donc cette absence de plan de sortie pour le président du fond Latour-Capital.

 

A la question faut-il un référendum du peuple grec pour savoir s’il souhaite rester dans la Zone Euro, Olivier Berruyer répond que c’est inutile. Un pays endetté à 180% de son PIB ne peut pas s’en sortir quand son économie est différente de celle de l’Allemagne mais qu’il utilise « la monnaie de l’Allemagne. »

De plus, les journaux allemands se mettent à titrer que la Grèce à ne pas céder pourrait mettre en péril l’ordre européen. Ainsi les pressions sur les politiques allemands pour ne pas céder augmentent, rendant tout espoir de négociation sur un accord de plus en plus réduits.

Intervention d’Olivier Berruyer sur « la monnaie de l’Allemagne »

Pour en revenir à la question initiale, Jean-Mars Daniel considère pour sa part que le « peuple grec interpréterait la sortie de la Zone Euro comme le retour de l’inflation » et donc un appauvrissement via l’inflation. Mais au vu de ce que lui demande ses créanciers « on est en train de le mettre dans une impasse. » Ajoutons à cela que le rôle du FMI est questionné dans cette affaire car c’est un problème européen pour certains et même « qui [n’est] pas de sa compétence » puisqu’il s’agit d’un problème de solvabilité.

Les taux

« On est dans une incertitude la plus absolue. Vous ne savez même pas si vous avez une monnaie encore dans 15 jours » Olivier Berruyer

Il ne faut pas simplifier le problème selon notre Econoclaste puisque, même si en fermant le robinet la BCE peut globalement sortir la Grèce de l’euro, la Grèce pourra toujours dire qu’elle ne rembourse pas sa dette à savoir « les 80 milliards de l’ELA, les 30 milliards que [la Grèce doit] en bons à la BCE, plus les 80 milliards de Target-2 qu'[elle doit] aux Banques Centrales […] La BCE aura juste un trou de 200 milliards dans son bilan. »

Intervention d’Olivier Berruyer sur le suicide de la BCE

Toujours selon Olivier Berruyer, il serait possible que les taux augmentent de 100 à 200 points de base au mois de juillet, ce qui est une grande source d’inquiétude.

Pour Alain Madelin « nous sommes dans un monde en déflation » dans lequel un autre phénomène apparaît qui est « un deleveraging complètement massif au niveau mondial […] qui est une autre pression à la déflation » (un deleveraging étant l’inverse d’un effet de levier, donc une réduction de ce dernier ou du pourcentage de dette d’une entité économique). Les taux négatifs dans lesquels nous sommes arrivés « c’est une situation de mort » car « dire que la valeur du temps c’est zéro et dire que la valeur du risque c’est zéro » est tout bonnement impossible.

Un phénomène de compensation a donc eu lieu lorsque les taux sont arrivés à -0.2% les faisant remontés de manière impressionnante car les multiplicatifs étaient forts. Néanmoins, les taux restent tout de même extrêmement bas. A cela Alain Madelin rajoute que « 33 ou 34 banques centrales ont baissé leurs taux depuis le début de l’année. »

« Que vous aillez un piège à la japonaise pour l’Europe […] ça c’est le vrai risque aujourd’hui. » Alain Madelin

Jean-Marc Daniel lui relativise aussi cette remontée des taux puisqu’on « est encore sous les taux d’il y a un an » et qu’il existe une « très forte volatilité » sur les marchés des taux.

Enfin, selon la règle « taux d’intérêt = taux de croissance », la question qui se pose est : puisqu’on est dans une situation de croissance très faible, est-ce qu’on va garder la planche à billets en marche encore longtemps ? « C’est inenvisageable » pour Jean-Marc Daniel.

Olivier Berruyer corrige cependant cette vision « taux d’intérêt = taux de croissance » en une seule question rhétorique : « Combien vous prêtez à l’Italie à 10 ans ? Ce ne sera pas au taux de croissance. » En effet « il y a des économie qui sont plombées » par le fait que les taux d’intérêt sont plus élevés que le taux de croissance comme le mentionne Jean-Marc Daniel et c’est le cas de l’Italie. C’est vers ces économies qu’il faudrait regarder afin de chercher des solutions pour ces dernières.

Première partie du débat

Le code du travail

« Nul n’est sensé ignorer la loi » c’est ce que rappelle Jean-Marc Daniel. Cependant, comme il l’explique lui-même, un nombre croissant de personnes est obligé de faire appel à des pulls de juristes pour pouvoir la comprendre devant la complexité des textes. Le principe fondamental énuméré précédemment ne peut donc être correctement appliqué.

De plus, ajoute-t-il, il y a un problème qui est de plus en plus fréquent, c’est « le nombre d’incidents entre les chefs d’entreprise, petit ou moyen, et les organismes de contrôle. […] Il y a de plus en plus une contestation de la part des chefs d’entreprise non seulement du corpus juridique qui devient inapplicable mais des gens qui sont sensés le faire respecter et des gens qui sont en train de le définir sur le terrain. »

« Il y a une forme d’irritation par la lassitude qui fait que ça devient un vrai problème » puisque le code du travail bouge en permanence.

Pour Olivier Berruyer, le Code du travail n’est pas le bouc-émissaire principal du manque de croissance. Comme argument à cela il cite le rapport du FMI de 2015 sur le sujet où il est expliqué qu’à court terme une modification de ce dernier a des effets négatifs et à moyen terme des effets presque nuls. « Ceci étant, dans sa taille il est vraiment imbouffable et pour les petites entreprises c’est un cauchemar à partir du premier salarié. »

« Je ne vois pas pourquoi on traite une PME de trois salariés de la même façon qu’on va traiter une multinationale dans la connaissance qu’elle est sensée avoir des procédures. » Olivier Berruyer

Intervention d’Olivier Berruyer sur le Code du travail

Pour Alain Madelin « le fond du problème […] est ailleurs » avant de citer Alfred Sauvy « il n’y a pas de problème d’emploi, il n’y a que des problèmes de souplesse sur le marché du travail. » Cette souplesse sur le marché du travail c’est : « 1) l’adaptation de l’information, 2) l’adaptation du prix du travail, tout ce qui vient perturber le prix du travail depuis les minimum légaux éventuellement trop élevés en passant par toutes les subventions diverses […] puis enfin le contrat, c’est-à-dire l’unité d’échange sur le marché du travail, […] est trop riche. »

Le problème selon Alain Madelin est « une mutation » du monde du travail en passant d’une « civilisation d’usine » à « une civilisation de la connaissance qui change profondément les formes de travail. » Ces mutations doivent laisser plus de place à une définition équilibrée entre les parties de l’entreprise du contrat régi uniquement par des grands principes du Code du travail.

Pour terminer, cette mutation fait, toujours selon Alain Madelin, que les personnes qui sont « subordonnées » dans leur travail devraient être très protégées par le Code du travail tandis que des « jeunes cadres de start-up » dont le travail est beaucoup plus prompt à l’autonomie devraient avoir des contrats plus souples.

Jean-Marc Daniel pour revenir sur l’idée d’évolution explique, dans le cadre de l’exemple entre les chauffeurs de taxi et Uber, que tous ceux qui ont voulu essayer de se protéger (dans leur travail) face au progrès technologique ont perdu.

De plus, si la justice ne s’adapte pas dès maintenant, c’est la jurisprudence qui va prendre probablement le pas dans les décisions juridiques prises par la suite. Par conséquent il y a deux solutions : une qui consiste à maintenir une répression qui entraînera un potentiel marché noir, soit reconnaître la victoire du marché pour empêcher la prolifération d’un marché noir.

Deuxième partie du débat

Rédigé par Raphaël Becanne

2 réponses
  1. Jean-Jacques de Coninck
    Jean-Jacques de Coninck dit :

    Si j’ai bien compris Monsieur Madelin, la compétitivité de la Grèce est incompatible avec son fonctionnement dans la zone Euro. “Les Éconocastes” me semblent partager cet avis. Ce problème ne date pas de ce matin. C’est pourquoi ce débat a un aspect surréel: si la Grèce est montrée du doigt, personne ne mentionne ceux qui portent la responsabilité d’avoir admis ce pays dans cette zone monétaire. Tout le monde sait aujourd’hui que les comptes grecs furent magouillés; le Président (actuel) de la BCE ne le savait pas? Ni la Commission Européenne ? Ni la Chancellerie allemande? Ni la Présidence française? Personne ne partage la responsabilité du débacle?

  2. Olivier
    Olivier dit :

    En fait Jean-Jacques, ce qu’oublie, volontairement à mon avis, M. Madelin, est que la compétitivité de a Grèce est incompatible avec l’Euro qui lui est basé sur celle de l’Allemagne. Jacques Sapir et d’autres ont déjà démontré c point là
    Le plus effarant est l’intervention de l’apprenti politologue de l’ESCP : comment peut-on dire c’est austérité ou les colonels ????

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