Les experts du 6 juillet 2015 – Retour d’un peu de démocratie

Olivier Berruyer

Retour d’un peu de démocratie : Les Experts

Olivier Berruyer était sur le plateau des Experts avec Mathilde Lemoine, Directeur des études économiques HSBC-France et Jean-Marc Daniel, Directeur de la revue Sociétal.

« Ca fait du bien d’avoir le retour d’un peu de démocratie » en Europe avec ce référendum du 5 juillet lancé par Alexis Tsipras en Grèce selon notre éconoclaste Olivier Berruyer. « Jean-Claude Junker disait encore il y a quelques mois qu’on ne pouvait avoir de vote démocratique contre les traités européens. »

« L’euro ce n’est pas une monnaie ou un projet économique, cela ne marche pas comme c’était prévu. On voit que c’est un projet politique qui vise à imposer les règles du néolibéralisme. » Olivier Berruyer

Les résultats des votes ont montré que les plus jeunes ont massivement voté ‘non’ ce 5 juillet au référendum grec (67% des moins de 30 ans ont voté non) tandis que les plus âgés avaient des résultats plus nuancés. Comme Olivier Berruyer le souligne, il est intéressant de voir qu’un clivage dans quelques années sera donc de plus en plus marqué entre la Grèce et la Zone Euro.

« C’est pour ça que [l’euro] ne marche pas. Vous avez des peuples différents qui ont des visions différentes, qui ont des besoins différents. Il n’y a aucune solidarité dans la zone, donc évidemment le bout du bout c’est que ça explosera parce que les gens ne sont pas d’accord. »

Mathilde Lemoine, quant à elle, tire trois leçons de ce scrutin : « la première c’est la confrontation générationnelle, et on voit en Europe depuis 5 ans une montée de cette confrontation générationnelle » sans vraie réponse européenne. La deuxième leçon est que la Zone Euro est « une zone patrimoniale », de rentiers, où « il n’y a plus d’objectifs de politique économique. » Enfin les pays de la Zone Euro « ont complètement perdu de vue les objectifs fédérateurs et on est passé de l’Europe de la connaissance […] c’est-à-dire une espèce de compétitivité par le haut à des ratios comptables. » La troisième leçon est finalement « que les parlementaires européens ont été totalement absents » et court-circuités dans ces négociations.

« La Zone Euro est une zone de rentiers […] une zone patrimoniale » Mathilde Lemoine

Pour Jean-Marc Daniel, il n’y a « aucune raison de se réjouir » car un « certain nombre de problèmes ne sont pas mis sur la table. Certains affrontements ne sont pas assumés en tant que tels. C’est-à-dire qu’on voit qu’il y a des clivages […] Il y a une incapacité à faire ce que Jean Monnet appelait une reconnaissance mutuelle », c’est-à-dire une acceptation de l’autre tel qu’il est.

Concernant Syriza, « on le qualifie d’extrême gauche, etc. Enfin c’est juste un parti socialiste […] c’est un parti européiste à la base. C’est des gens qui ne veulent pas quitter l’euro. Et c’est là où on arrive à l’immense contradiction et à l’immense mensonge de cette construction européenne. C’est qu’il n’y a pas le début du commencement de la moindre solidarité » d’après notre éconoclaste. Ce à quoi Jean-Marc Daniel s’accorde entièrement : « le véritable problème c’est d’arriver à générer une reconnaissance mutuelle. »

« Il n’y a pas un peuple européen, il y en a 28 et les intérêts sont en train de diverger. » Olivier Berruyer

Au final, le problème majeur de ce manque de solidarité « c’est qu’il ne peut pas y avoir de monnaie unique. On voit bien que c’est ça qui coince » nous affirme Olivier Berruyer.

Revenons au problème grec : le pays est surendetté et ne peut rembourser, donc à partir de là, d’après le créateur de les-crises.fr, « la seule négociation devrait être ‘qu’est-ce qu’on fait de la dette grecque ?' »

« Comment ça se fait qu’ils ont un déficit de 3.5 et nous de 4 ? » Olivier Berruyer

Les grecs payent donc leurs impôts, l’argent rentre dans les caisses de l’Etat, quand bien même il y aurait des « magouilles » entre le prélèvement et l’arrivée dans les caisses de l’Etat.

Mathilde Lemoine considère que le fond du problème repose sur « la capacité des européens à faire de l’ingérence économique. Donc tout le problème de la construction de l’euro c’est celui-ci. » On ne peut avoir de monnaie unique sans une coordination des politiques économiques des pays européens. « La France a une position extrêmement ambivalente depuis le début de la crise » car elle n’est pas la championne en terme de politique économique et se retrouve à devoir donner des leçons à un autre pays alors qu’elle « ne souhaite pas aller plus loin dans la gouvernance économique ».

L’ambivalence est partout puisqu’on « veut de la démocratie européenne, on veut l’euro, mais à ce moment là on ne veut pas de gouvernance économique, c’est-à-dire qu’on ne veut pas qu’on nous dise ce qu’on a à faire chez nous » continue de souligner Mathilde Lemoine. « Si on veut sortir de ça il faut accepter l’ingérence économique comme les allemands ont accepté l’ingérence monétaire. »

Mario Draghi, dont la position est très attendue par les européens, ne voudra pas être celui qui est retenu comme ayant pris la décision finale concernant une sortie de la Grèce de la Zone Euro explique Jean-Marc Daniel. S’il décidait d’arrêter l’apport de liquidités aux banques grecques, la population pourrait encore utiliser la grande quantité de billets déjà en circulation dans le pays pour vivre provisoirement. Néanmoins « [la population grecque] stocke les billets. Sauf que se dessaisir à l’heure actuelle d’un billet en euro pour un grec c’est perdre une sorte d’assurance de maintenir son pouvoir d’achat. »

« On est dans cette situation paradoxale où il y a énormément de monnaie en circulation mais la vitesse de circulation de la monnaie est très très faible. » Jean-Marc Daniel

Le problème qui se pose en Grèce est donc un problème de circulation de la monnaie et pas un problème de quantité. Seules les banques peuvent réussir à rétablir une bonne circulation de cette dernière, mais elles sont sous le contrôle de la Banque Centrale Européenne. « Donc [Jean-Marc Daniel] pense que Draghi qui a une claire perception de ce qui se passe ne pourra pas se permettre de prendre pour des raisons politiques la décision d’arrêter les banques grecques. »

Le fait que la BCE soit le seul garant de la Zone Euro montre « encore une fois la faiblesse de l’architecture européenne » pour Mathilde Lemoine. « Au final, qu’est-ce que fait la Banque Centrale Européenne ? Elle fait de la politique économique » alors qu’elle ne devait pas en faire au départ. « Ca veut dire qu’aujourd’hui la Banque Centrale modifie complètement le prix des actifs […] [elle] a publié sur son site sans aucune concertation au sein de son board la possibilité pour les Banques Centrales Nationales d’acheter des entreprises, des obligations d’entreprises. Elle a même donné le nom sur son site de ENEL. »

« La Banques Centrales est une instance non démocratique. Elle participe à une redistribution des richesses. Elle participe à la modification de la concurrence entre les entreprises et là c’est le bras armé [dans cette crise grecque]. » Mathilde Lemoine

Voilà qui « montre bien », pour Mathilde Lemoine, « la déficience totale des institutions européennes et surtout ce problème central qu’est la gestion intergouvernementale de l’Europe. »

Pour Olivier Berruyer, la BCE « ne défend pas l’euro, elle se défend elle-même » sans avoir recourt à aucun traité comme l’a démontré Mathilde Lemoine. Son rôle dans les négociations avec la Grèce ne devrait se cantonner qu’aux questions de restructuration la dette grecque. Le FMI est la seule instance à avoir parlé de restructurer la dette grecque.

« Je vous rappelle que cet accord sur la dette, il a été promis par l’Eurogroupe en 2012, dès que la Grèce reviendrait à l’équilibre primaire. Elle est revenue [à l’équilibre] depuis janvier 2014 et ils n’en ont jamais discuté donc ils n’ont pas tenu leur parole. » La raison, explique l’éconoclaste, est qu’ils n’en sont pas capables car personne ne veut la responsabilité. Les arguments concernant un don d’argent à la Grèce sont de plus fallacieux, puisqu’il s’agissait de prêts et pas de dons.

« La Grèce c’est 25% de baisse du PIB. C’est l’équivalent d’une petite guerre. » Olivier Berruyer

Selon O. Berruyer, nous arriverons à une vaste restructuration de toutes les dettes européennes. « En 1953, je rappelle que dans le traité de Londres on abandonne la moitié de la dette de l’Allemagne parce qu’elle ne peut pas rembourser » ce qu’on ne veut pas aujourd’hui, bizarrement, pour la Grèce.

Si la dette grecque est aussi élevée (jusqu’à 5 fois le PIB en cumulant dette publique et dette privée), c’est entre autre à cause des taux d’intérêt. Dans les années 90 « les taux d’intérêt long terme de la Grèce étaient à 25% déjà. Donc l’Etat grec aurait dû faire défaut déjà à la fin des années 90. »

Jean-Marc Daniel considère que « toutes ces politiques de réduction de la dette par l’austérité, non pas par l’annulation, n’ont de sens que si elles sont accompagnées d’une dynamisation de la croissance. Cette dynamisation de la croissance c’était la politique de Mario Monti. » A savoir une austérité par baisse des dépenses publiques, d’avantage de concurrence et un effort d’investissement et enfin un retour de la confiance du peuple et surtout des marchés pour des taux d’intérêt bas.

C’est ce que les anglais ont réalisé et ce qui est pour Jean-Marc Daniel « pas une création de la Zone Euro, mais une règle de bon sens qui est en train de se mettre en place. » Pour souligner cela, Jean-Marc Daniel reprend les propos de Varoufakis s’adressant à Paul Krugman. M. Varoufakis a dit ne pas être victime d’une politique d’austérité, mais des politiques soutenues par M. Krugman qui poussent à des dépenses publiques qui elles-mêmes entraînent de la dette qui « rançonne les pauvres au profit des riches. »

Mathilde Lemoine retourne sur le fait que la BCE « est en train de faire de la croissance par effet de levier » avec l’augmentation des crédits en Zone Euro, une révision de certains traités pour que l’endettement privé et public en Zone Euro puisse ré-augmenter. Tout cela amène à ce que le parlement européen souhaitait aussi : la création d’un fond de rédemption de la dette publique pour pallier au fait que les Etats n’arriveront pas à rembourser leur dette.

Pour Olivier Berruyer la vraie question est : est-ce qu’on « attend que tout pète et que les gens aillent dans les extrêmes ou on recule et on se dit ‘voilà on continue à garder des coopérations en Europe' » ?

« Cet exemple grec est vraiment une illustration parfaite : personne ne veut donner d’argent à la Grèce, mais ça c’est antithétique avec le fait d’avoir une monnaie unique » Olivier Berruyer

Jean-Marc Daniel rejoint Olivier Berruyer : « Au nom de la menace de guerre on nous impose la récession. Je pense qu’il faut faire des réformes. » L’argument de la guerre comme en Yougoslavie ne peut être employé correctement, en revanche il peut être utilisé pour montrer qu’effectivement, lorsque l’on réunit des peuples qui sont différents, le système ne peut tenir très longtemps.

Rédigé par Raphaël Becanne

2 réponses
  1. jeanarcy
    jeanarcy dit :

    très intéressant, documenté et réaliste ! mais que de fautes d’orthographe !

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