Pire que la Grèce, la menace chinoise ?

Pierre Sabatier

Pire que la Grèce, la menace chinoise ? Pierre Sabatier vs Léon Laulusa

Pierre Sabatier était l’invité des Décodeurs de l’éco mercredi 8 juillet pour parler de la chute des marchés chinois qui sont à des plus bas en 4 mois.

Baisse des indices asiatiques

« La courbe exponentielle sur les marchés actions en Chine sous-entendait bien sûr une spéculation effrénée » nous explique Pierre Sabatier, qui a déjà eu l’occasion de commenter dans plusieurs vidéos disponibles sur le site (La Chine inquiète, BFM du 20 avril 2015 – Perte de contrôle, BFM du 13 avril 2015 – Des bulles sans surprises) ces marchés chinois.

A la question de savoir si la Chine est en train de vivre un retour à la normale, notre éconoclaste nous explique qu’il est difficile de le savoir puisqu’ « en Chine, on dispose de relativement peu d’information pour savoir ce qu’est la normale. » En effet, « dans un pays où la fiabilité des chiffres disponibles est, somme toute, relative » il devient compliqué « de construire des scénarios sur la base de chiffres de piètre qualité. »

« On voit que le hausse [des marchés] se fait par le petit porteur, et en général, malheureusement, c’est quand le petit porteur arrive que l’on est à la fin de cycle. Et d’ailleurs c’est à ce moment que les professionnels commencent déjà à partir », ce qui semble indiquer tout naturellement que c’est la population chinoise qui souffrira majoritairement de toutes ces pertes.

« En 3 semaines, la perte sur le marché boursier chinois [représente] plus de 2,4 trillions. […]Ca veut dire 10 fois le PIB de la Grèce. » Léon Laulusa

Toutefois, nous explique Léon Laulusa, « le marché boursier chinois est habitué à avoir des montagnes russes » puisque « depuis 1990, il y a plus de 50 phases de volatilité. Une variation de plus ou moins 20%. »

Le problème, continue-t-il, est que « les petits porteurs ont l’habitude de jouer comme au casino […] et à crédit. Pourquoi ? Parce que le gouvernement a, comme vous le savez, au mois d’avril [2015], permis qu’un particulier, un investisseur, peut détenir plusieurs comptes titres. » Ainsi, c’est au final le patrimoine que les ménages chinois ont accumulé qui se retrouve en jeu.

 « On n’a jamais vu [dans l’Histoire économique] une telle bulle de crédits se former […] en si peu de temps. » Pierre Sabatier

Le cycle de cette bulle de crédits, nous explique Pierre Sabatier, est le suivant : un investissement dans un premier temps « dans tout ce qui n’est pas action, à savoir du résidentiel » comme le montre la bulle immobilière chinoise. Cette bulle a été alimentée, entre autre, par les ménages sous les incitations du gouvernement chinois, qui a lui-même fait construire énormément d’infrastructures pour compenser le trop plein de capacités de production chinoises. Enfin, après que la bulle immobilière a atteint des niveaux considérables, les ménages s’en vont vers les marchés actions.

99% des investisseurs sur les marchés actions chinois sont des particuliers.

« Cela fait des années qu’il existe un deal implicite entre la population et le gouvernement. […] Le gouvernement assure une croissance suffisante […] pour que chacun sur [le] territoire puisse espérer un jour en profiter. » Il en résulte, explique l’auteur de La Chine, une bombe à retardement, que pour la croissance : « 7% suffisent à acheter la paix sociale. »

Néanmoins, le gouvernement doit maintenir ces 7%. Or « la bulle provient de l’incapacité du gouvernement à trouver des moteurs de croissance au sein de son économie. » En effet, le changement de modèle économique chinois prôné pendant des années d’un modèle d’exportations et d’investissements à un modèle de consommation n’a pas eu lieu. La PIB de la Chine est constitué de 36% des dépenses des ménages contre 50 à 70% pour le PIB des pays occidentaux.

« On parle beaucoup du marché intérieur chinois, mais pour l’instant il reste une chimère en terme de moteur de croissance réel de l’économie chinoise. » Pierre Sabatier

« L’origine de cette bulle remonte donc à 2008 » puisqu’auparavant le modèle économique chinois était le même que le modèle allemand : basé sur des exportations. Mais avec la crise de 2008, la demande des pays importateurs a fortement diminué, réduisant de fait les rentrées d’argent de la Chine. La solution du gouvernement chinois a donc été d’utiliser « l’endettement pour investir. Aujourd’hui rendez vous compte que 48% du PIB chinois correspond à de l’investissement. » En guise de comparaison, il est possible de mentionner que le modèle espagnol d’avant 2008, basé sur d’énormes investissements ne représentait que 29.6% du PIB espagnol en 2007 selon Eurostat.

« Lorsqu’on voit des mouvements de marché aussi brutaux, c’est évident qu’il y a un mouvement de panique en Chine et d’ailleurs la preuve, c’est que le gouvernement prend des mesures » indique Pierre Sabatier. La Banque Centrale de Chine a favorisé l’achat des titres des grosses entreprises chinoises par des grands investisseurs pour stabiliser leur prix, les mettre en réserve afin d’éviter d’entrainer les cours vers le bas. Pour se faire, elle a baissé ses taux d’intérêts, et donc le coût de l’argent. « En effet, vu d’où on vient il ne faudrait pas revenir à 0 ou plus proche. Là encore, on ne parlerait pas de baisse, mais de ruine pour un certain nombre de porteurs. »

Léon Laulusa confirme les deux mesures citées précédemment, mais explique que la Banque Centrale a aussi pris deux autres mesures, à savoir : « contraindre les dirigeants chinois qui possèdent plus de 5% du capital à ne pas céder et aussi de demander aux entreprises d’Etat d’acheter des titres. »

« Les bourses chinoises disparaissent. » Pierre Sabatier

Ce que cela signifie, nous explique le directeur de PrimeView, c’est que « les bourses chinoises disparaissent » puisqu’il faut deux piliers pour qu’un marché boursier fonctionne : la transparence et les liquidités. Or :

  1. il manque de transparence sur ces marchés actions. Les investisseurs n’ont pas les moyens de juger les entreprises cotées sur leur capacité à créer de la valeur.
  2. les mesures prises font disparaitre les liquidités. « L’Etat décide de qui achète et qui vend. »

« Le marché financier chinois n’en est pas un. » Pierre Sabatier

Pour Léon Laulusa, cet interventionnisme étatique est compréhensible puisque le gouvernement veut maitriser aussi la baisse. Car dans ce système casino, les investisseurs jouent à crédit, donc « il vaut mieux perdre maintenant que perdre plus tard mais beaucoup plus. »

Concernant les impacts sur l’économie réelle, il serait trop tôt pour juger des conséquences selon Léon Laulusa, et tant que les marchés ne seront pas revenus à leur niveau d’il y a un an, le problème ne serait pas encore trop grave. Pierre Sabatier en revanche est moins optimiste du fait que les ménages, endettés pour investir en bourse, sont arrivés pour une partie lorsque la courbe était proche de son sommet. Maintenant que la courbe descend, il va être difficile de rembourser les prêts effectués.

La menace chinoise est donc bien réelle pour Pierre Sabatier car c’est le pays qui a « fait et dessiné la courbe des matières premières pendant 15 ans. » Donc bien sûr que cette menace chinoise est plus importante que le cas de la Grèce à l’heure actuelle.

« L’éclatement de la Zone Euro serait probablement du même acabit que le risque chinois. » Pierre Sabatier

« La baisse des marchés financiers ne fait que rajouter de l’huile sur le feu, mais bien au-delà c’est avant tout le ralentissement de l’économie réelle en Chine » qui est préoccupant. En effet, il va falloir que la Chine investisse encore à hauteur de 48% de son PIB si elle veut ne serait-ce que maintenir son PIB. En plus de cela la demande extérieure reste très faible et ne pourra prendre la relève. D’autant plus que l’Europe est le premier partenaire de la Chine là-dessus. Le cas grec va peut-être diminuer encore plus la demande européenne.

Il peut donc y avoir une contagion au reste du monde « à travers les matières premières. » La conclusion de Pierre Sabatier est donc la suivante : « perdre le premier contributeur à la croissance mondiale… On va tous se ruer aux Etats-Unis je crois dans les mois qui viennent. »

Rédigé par Raphaël Becanne

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