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Pétrole: Plaidoyer pour une COP21 vraiment utile !

Le 30 novembre 2015 débutera à Paris la 21ème conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Grand rendez-vous écologique mondial, cette conférence a pour objectif d’aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de limiter le réchauffement mondial à 2°C.

Malheureusement, c’est la 21ème réunion du genre, ce qui montre bien que si le climat est une préoccupation des grands leaders mondiaux depuis longtemps, elle passe pour l’heure en second plan par rapport à d’autres priorités, notamment économiques.

Alors que faire pour que ce symposium ne soit pas un énième coup d’épée dans l’eau ? D’abord, se poser les bonnes questions. Premier sujet : les émissions de gaz à effet de serre. Sur ce sujet, les économies développées font valoir des progrès importants ces dernières années. La France avance ainsi une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, CO2 inclus, de 7% sur la période 1990-2010. Toutefois, il faut noter que cette réduction va de pair avec une désindustrialisation de notre économie et une délocalisation de la production de produits manufacturés. En conséquence, si l’on réintègre à la production de CO2 des français, la consommation de CO2 générée par la production des importations, sur la même période la consommation française de CO2 a elle augmenté de 15% ! L’Europe ne fait guère mieux, avec une baisse de la production de CO2 de 6% sur la même période, mais une hausse de 10% de la consommation de gaz à effet de serre.

On se situe ici dans ce que Thomas Porcher, économiste spécialiste des problématiques énergétiques, appelle « l’hypocrisie climatique ». Si l’on veut avoir un impact réel sur la production de gaz à effet de serre et limiter son impact sur le réchauffement climatique, on doit raisonner en termes de consommation et non de production directe. Cette notion est aujourd’hui totalement et volontairement ignorée, et aucun objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne figure dans les accords de libre-échange que nous signons aujourd’hui avec nos partenaires économiques.

L’un des problèmes aujourd’hui est qu’un tel système de taxation, qui nécessiterait une taxation carbone aux frontières pour équilibrer les consommations, est contraire à tous les traités d’échanges et aux règles édictées par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Il est donc urgent d’opérer une véritable rupture et de modifier les mentalités.

Mais cette décision doit se faire sans partie pris économique. Ainsi, si la déclaration de 10 des plus grosses compagnies énergétiques au monde de leur volonté de mettre en place une taxe carbone (lire ici) doit être vue positivement, il ne faut pas non plus que cela cache le défi global que pose le réchauffement climatique. Car le fait qu’il n’y ait pas de compagnies américaines parmi les signataires n’est pas un hasard : le système proposé rendrait le gaz plus compétitif que le charbon pour la production électrique. Hors, le développement du gaz de schiste aux USA leur a déjà permis d’abaisser le coût de production électrique à partir du gaz… et fait suffisamment baisser le prix du charbon américain pour le rendre compétitif à l’export (lire ici)! C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Allemagne, jusque-là exemplaire en termes de transition énergétique, a fermé des centrales électriques flambant neuves fonctionnant au gaz, pour rouvrir des usines fonctionnant au charbon, plus polluantes mais moins coûteuses !

Rendre le gaz plus compétitif que le charbon doit être vu comme une étape positive, mais le vrai défi n’est pas là : il faut en venir à la frugalité énergétique. Car l’énergie la moins polluante est bel et bien celle que nous ne consommerons pas ! Plusieurs pistes intéressantes peuvent être creusées en la matière.

D’abord, l’arrêt des subventions à la consommation d’énergies fossiles. Alors qu’un accord sur ce sujet a été trouvé lors du G20 de Pittsburgh en 2009, aucun calendrier n’ayant été fixé, son application n’est toujours pas effective. Ainsi, selon les estimations prudentes l’AIE, les subventions directes aux énergies fossiles dépasseraient les 500 milliards de dollars en 2014, soir 4 fois les subventions aux énergies renouvelables ! La simple suppression de ces aides d’ici 2020 entraînerait une réduction de la consommation d’énergies fossiles de plus de 4%, et une diminution des émissions directes de Co2 de près de 5% (lire ici).

Subventions aux énergies fossiles, par zone géographique (en milliards de dollars, à gauche)

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Source : Agence Internationale à l’Energie

Rappelons par ailleurs que la frugalité énergétique s’impose à nous car les ressources disponibles pour la production massive d’énergies sont limitées. Ainsi, un rapport publié par EDF Recherche et Développement en 2007 (lire ici) évoque un pic toutes énergies au plus tard en 2040, et ce malgré un développement extrêmement important des énergies renouvelables.

Les économies les plus importantes pourraient être effectuées dans le secteur de l’immobilier et du transport qui, à eux deux, représentent 60% de la consommation mondiale d’énergie.

Consommation d’énergie, par secteur

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Source : IEA, World Energy Outlook 2012

Dans cette optique, un grand plan de rénovation thermique des bâtiments (qui pourrait par ailleurs être générateur de croissance) pourrait, selon les spécialistes, permettre des gains énergétiques de l’ordre de 50%. De même, il est nécessaire de favoriser l’innovation et la recherche dans tous les domaines (automobile, capture des émissions,…). A ce titre, la finance a un grand rôle à jouer. Et comme le faisait remarquer Bill Gates il y a quelques jours, il est important de ne pas tourner le dos aux énergies fossiles, comme l’ont fait récemment certains fonds d’investissement (lire ici), mais plutôt de favoriser les compagnies énergétiques responsables qui consacrent une part importante de leur budget de recherche à l’efficience énergétique et aux moyens de rendre les énergies plus propres.

En conséquence, il est urgent de changer réellement de perspective et de comprendre qu’il nous faut économiser l’énergie et, pour ce faire, limiter sa consommation en la rendant chère par un système de taxation, et favoriser l’innovation et l’investissement responsable en réorientant les subventions vers les projets réduisant la consommation. C’est à ce prix que la COP21 pourra être un vrai succès.

Rédigé par Benjamin Louvet, spécialiste matières premières.

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