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Le marché n’apprend rien et il oublie tout

« Le marché n’apprend rien et il oublie tout » est une phrase que j’ai entendue après ma première semaine dans une salle de trading. Au début, je n’y ai pas trop prêté attention, un peu comme toutes ces expressions « boursières » que l’on utilise sans trop y penser – Sell in May and Go away – Les arbres ne montent pas au ciel – don’t piss against the wind – et puis le très célèbre : « si j’avais su, j’aurais acheté plus tôt », qui débouche inévitablement sur l’indispensable : « on est plus intelligent après ».

Néanmoins, ces quelques mots : « Le marché n’apprend rien et il oublie tout » restent et resteront très proche de moi. Et ils représentent tellement la mentalité « court-termiste » dans laquelle nous vivons que l’on ne peut pas s’empêcher de trouver cette phrase fort-à-propos à peu près 3 ou 4 fois par année (et encore, c’est pour être gentil que je dis ça).

En ce début d’année, c’est encore plus frappant. Depuis le 4 janvier et l’effondrement du marché chinois – pour des raisons diverses et variées, nous avons vécu un vent de panique que les médias et même certains professionnels qualifieront de « sans précédent », alors que la volatilité – la mesure universelle de stress des marchés financiers – n’a même pas encore atteint les niveaux qui étaient les siens au mois d’août passé.

Alors oui, je vous l’accorde, le mois d’août 2015, c’était il y a un siècle, une éternité. Mais tout de même. Quand les marchés baissent comme ils l’ont fait en ce début d’année, c’est courage fuyons et plus personne ne prend le temps de regarder en arrière, ni de se demander si quelque chose à changé, non, on s’en fiche de tout. Dans ces moments d’horreur et de panique, il est important de faire « comme tout le monde », à savoir : courir dans tous les sens en hurlant à qui veut l’entendre que la fin est proche.

À la décharge de ce monde merveilleusement prévisible et hilarant qu’est le monde de la finance, il faut dire que l’avènement du média et de l’information depuis l’arrivée d’internet a, un peu brouillé les cartes. L’information, qui est le nerf de la guerre dans les salles de trading, circule plus vite, de plus en plus vite et devient de moins en moins vérifiable. Les lecteurs qui se nourrissent de cette information, vont moins profondément dans les détails et se contentent des gros titres qui paraissent en première page du Wall Street Journal et des fois pire, un Tweet de moins de 140 caractères suffit à démolir la performance annuelle d’une société.

Alors il est clair que si, depuis le 4 janvier, vous vous êtes basés sur les « unes des médias financiers », il y avait de quoi sortir dans la rue avec une grande toge blanche et un panneau qui disait : « la fin est proche ».
Pas besoin de chercher bien loin, entre l’annonce de RBS qui disait qu’il fallait TOUT VENDRE SANS EXCEPTION, les prédications d’Edwards qui nous annonçait un S&P à 666, Soros qui fait le tour des plateaux télé pour nous dire que l’Europe va imploser et que tout est foutu, sans compter tous les inconnus qui traînent les chaussures et leur spleen en hochant tristement la tête en murmurant pour eux-mêmes : « cette fois on y a droit », il n’était pas facile de ne pas faire comme tout le monde…

Sauf qu’aujourd’hui, en ce lundi matin 25 janvier, alors que nous venons de conclure notre première semaine haussière de l’année, on peut raisonnablement se demander si l’on n’a pas paniqué un poil trop tôt, puisque, soudainement et sans trop savoir pourquoi, les marchés financiers ont troqué la couleur rouge, symbolisation personnifiée des marchés qui baissent, contre la couleur verte, couleur de l’espoir.

Et là, soudainement, on se demande.

On s’interroge : « Mais finalement, pourquoi s’est-on fait défenestrer en l’espace de deux semaines ? ».

Y-a-t ‘il vraiment quelque chose de changé dans ce que l’on connaît ? Yellen a-t-elle remis en cause l’état de l’économie US ? – Non, pourtant la plupart des « experts » nous ont sorti le mot « récession » à tout bout de champs – et plutôt deux fois qu’une.

Draghi a-t-il annoncé son intention de relâcher ses efforts pour redresser l’économie Européenne ? NON, pourtant tout le monde a été surpris comme jamais lorsqu’il a réitéré son souhait de faire tout ce qu’il faut pour sauver le soldat Europe.

Est-ce que le ralentissement de la croissance chinoise est une surprise ? NON, on ne parle que de ça depuis six mois.

helioEst-ce que réellement, économiquement, tout a changé entre le 31 décembre au soir et le 4 janvier au matin ? Que s’est-il passé que j’ai raté pour que cela justifie un tel retournement de veste et un retournement de veste avec l’indépendance mentale d’un mouton surtout…

Alors oui, reconnaissons que la baisse du pétrole est un facteur que l’on peine un peu a prendre en compte. Il est vrai qu’en tant qu’automobiliste de base, quand vous vous rendez à la station service pour faire le plein de la Porsche, c’est plus agréable de voir un litre d’essence à 1.45 qu’à 2 frs. Bien que vous remarquerez nettement que si le pétrole a été divisé par 3 en 18 mois, ce n’est de loin pas le cas du litre d’essence à la station du coin de la rue, mais passons.

La baisse du baril a probablement fait du mal au marché, pour les conséquences économiques induites dans les pays producteurs de pétrole, mais rappelons tout de même, au risque de paraître professoral, mais entre le 31 décembre 2015 et la semaine passée, le pétrole est passé de 37 à 27 et pas de 150 à 27, comme on a tendance à vouloir nous donner l’impression dans certains médias.

La finance est une question de perspectives, et là on nous a vendu un krach pétrolier comme s’il venait de se produire, alors qu’il est en cours depuis 18 mois, mais que l’on vient seulement de s’en rendre compte.

Tout ça pour vous dire qu’à mon sens, pas grand-chose n’a changé depuis le 31 décembre, mais tout le battage médiatico-financier nous a donné l’impression que la fin du monde était proche. Et nous en étions ou sommes plutôt convaincu, puisque selon certains, on ne parle même plus de « krach », mais plutôt de fin du capitalisme, de retour au troc et à la fin de l’économie telle que nous la connaissons.

Et puis, jeudi passé Mario est arrivé et tout a changé.

Pour le moment.

Pour être honnête avec vous, je n’ai aucune idée de ce que sera l’avenir du marché dans les mois à venir, mais ce que je sais, c’est que la semaine dernière nous avons construit un nouveau rebond, sa durée restera à déterminer, mais peu importe ce que l’on veut bien en dire, les vagues de ventes ne parviennent pas à déclencher ce « fameux krach » que l’on nous prédit depuis des mois – bien que je reste PERSUADÉ qu’un krach annoncé, ça n’existe PAS !!! C’est comme le yéti.. Quoi que le yéti, on n’est pas vraiment sûr.

Donc on rebondit et ce qui est fascinant, c’est que les premières pages des médias se sont transformées… Ce matin on nous dit que : « le Bear Market ne déclenchera pas la récession » ou on nous publie la liste des « signes qui annonce la fin de la baisse »… Bref, ce n’est pas encore l’euphorie totale, mais entre le pétrole qui n’en finit pas de rebondir et les marchés asiatiques qui continuent de monter ce matin, on peut dire qu’il y a quelque chose de cassé au royaume des ours.

Alors évidemment, rien n’est gagné. Rien n’est jamais gagné avant le coup de sifflet final de l’arbitre et comme il n’y a pas de coup de sifflet final dans les marchés, rien n’est jamais gagné, mais personnellement et vu que l’on a perdu 10% depuis de le début de l’année et que toutes les stars-analystes nous prévoyaient un marché sans relief pour 2016, je me dis qu’il y a toujours 10% à récupérer. Bien que si l’on en croit les mêmes stars-analystes, le marché devrait plus être aussi sans relief que prévu, mais que, soudainement, la volatilité élevée est « faite pour rester ».

Ce qui est bien en finance, c’est que l’on est incapable de prédire le comportement du moindre indice ou de la moindre monnaie, mais tout d’un coup, on est capable de prédire ce que va faire la volatilité, qui est l’animal le plus imprévisible du monde de la finance…

Bref, pour résumer ; on s’est pris une tôle depuis le début de l’année, là, on est en train de tester le fond de la tasse, histoire de voir si on y a pied et puis l’on verra bien ce qui va se passer, puisqu’en ce moment, non seulement on fait du court-terme, mais j’ai l’impression que l’on se lance dans l’ultra court-terme.

Ce matin le Nikkei est en hausse de 0.7%, le Hang Seng avance de 1.8% et Shanghai monte de 1%. Ce n’est pas l’euphorie et on sent que la nervosité est encore là, mais on vous l’a dit et répété ; la volatilité est là pour rester, c’est pourtant simple !!!

Pour les nouvelles du jour, on parle du Brexit qui n’est PAS une bonne idée selon les leaders de la pharmaceutique britannique, de Twitter qui voit encore des « top executives » quitter le navire, l’Iran qui prévoit d’acheter 114 Airbus, comme quoi la levée des sanctions a du bon, surtout pour Airbus et rien pour Boeing. CNBC se dit qu’après le sell-off, les actions pourraient être « bon marché ».

Exactement le contraire de ce que l’on pouvait lire dans le Barron’s la semaine passée.

La semaine qui nous attend sera énorme en termes de publications, puisqu’il y aura Apple et Amazon qui vont publier et qu’après la réunion de la BCE, cette semaine c’est au tour de la FED de se voir et qu’après avoir passé 48 heures enfermé dans une salle de réunion, l’équipe a Yellen va nous donner des indications sur ses intentions de l’année – en tous les cas, on espère – ça sera intéressant, puisque là encore, dans ma théorie du « n’apprend rien et oublie tout » – je signale au passage que le 4 janvier, TOUT LE MONDE s’attendait à 4 hausses de taux durant 2016 et qu’en début de semaine passée, alors que la lame de la guillotine approchait de nos nuques, les « stratèges » ont revu leurs prévisions à UNE seule hausse, ou comment tourner la veste sans se faire remarquer ni se faire traiter de girouette.

Nous allons également regarder attentivement le pétrole, ses inventaires et les résultats du secteur qui y sont liés. Halliburton et Chevron essuieront les plâtres cette semaine. Sans parler de la confiance du consommateur et du GDP américain qui apparaîtront également durant la semaine.

calomiesLe Barron’s publie la seconde partie de sa table ronde 2016 et ils pensent qu’il faut acheter International Paper ET il y a un article qui vous explique pourquoi Apple va monter de 50% cette année et pourquoi c’est trop bon marché (alors que le reste de la communauté des génies de la finance pense que la croissance de l’iPhone, c’est foutu et que le titre va se faire déglinguer).

Dans les chiffres du jour qu’il faudra surveiller, il y aura les commandes industrielles, les ventes de détail et le trade balance en Italie, l’IFO en Allemagne, le Dallas FED Manufacturing Business Index et Draghi qui parlera pour ceux qui n’ont pas compris jeudi passé.

Côté chiffres du trimestre, ça commence à se remplir, aujourd’hui il y aura la Bank of Hawaii, c’est un résultat dont tout le monde se fout, mais c’est une banque pour laquelle je rêverait de travailler et chaque trimestre, ça me fait quelque chose de savoir qu’il y aussi des banques à Hawaii. Mais il y aura aussi, DR Horton, Halliburton, Kimberly Clark, Mc Donald’s, Rambus, Sanmina et Zion.

Pour le moment, les futures sont en hausse de trois fois rien, l’Euro/Dollar vaut 1.0814, le Yen est à 118.69, la Livre est à 1.4306, le rendement du 10 ans US est de 2.06% et le Bitcoin se traite à 398$.

Pendant ce temps, l’Euro/Suisse s’échange à 1.0966 et le Dollar/Suisse continue son ascension à 1.0141.

Voilà. Nous sommes lundi, le pire semble derrière nous, vous pouvez retourner vaquer à vos occupations du lundi et nous on se retrouve demain matin pour se reposer les mêmes questions encore et encore, à savoir : « qui suis-je ? Un bull ou un bear, that is the question »…

En attendant, je vous souhaite un très beau début de semaine et à demain, demain où l’on se rendra probablement compte que l’on a oublié ce qui s’est passé hier et que, bien sûr, on n’aura rien appris !

Thomas Veillet
Investir.ch

« It is impossible to live without failing at something, unless you live so cautiously that you might as well not have lived at all, in which case you have failed by default. »

J. K. Rowling

2 réponses
  1. Djamel
    Djamel dit :

    Bonjour,

    « je reste PERSUADÉ qu’un krach annoncé, ça n’existe PAS !!! »

    Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. S’il est question d’annoncer la date, effectivement, ça existe pas.

    Par contre, le krach de 2000 ou 2008 était largement prévisible / annoncé / attendu.

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