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Comme disait l’homme qui tombait du cinquantième étage : jusque-là, ça va

Le comportement de ce marché me rappelle une citation de Jeremy Clarkson : « Ce n’est pas la vitesse qui vous fait du mal, c’est le fait de soudainement vous arrêter qui vous tue ». L’analogie avec les marchés boursiers s’arrête-là, puisque dans la finance, la bonne nouvelle, c’est que tous les soirs il y a la clôture et au moins on est sûr que les marchés ne baissent pas pendant la nuit. Bien que, avec nos amis asiatiques qui sortent la pelle et la pioche tôt dans la nuit, la réplique tellurique peut être violente le lendemain matin.

C’est un peu ce que nous allons expérimenter ce matin, puisque, bien que la Chine et Hong Kong soient fermés pour cause de nouvel an local, c’est le Japon qui prend le lead en se faisant déchirer de plus 5% – vous avez dit taux négatifs ? – je ne sais pas, mais une choses est sûr, le Ministre des Finances local s’est montré inquiet de la hausse du yen ce matin – ou de la faiblesse du dollar, c’est selon – du coup, le marché japonais, dans le sillage de ses amis occidentaux, se fait largement tirer dessus à la mitrailleuse lourde et tout le monde à peur de tout.

Comme disait l’ Homme qui tombait du cinquantième étage ; jusque-là, ça va - hedgeye1Et encore, je ne vous dit pas si la Chine avait été ouverte, on aurait craint le pire après la publication des réserves monétaires locales qui fondent comme neige au soleil et qui laissent penser que le yuan devrait s’affaiblir encore, donnant du même coup raison à la moitié des Hedge Funds de la planète qui sont short sur la chose. Sont trop forts ces Hedge Funds. Bon, pas tous, mais la plupart. Des visionnaires moi je vous dis.

Bref, quand on voit la gueule des futures ce matin tôt, on se demande si l’on ne ferait pas mieux de retourner se coucher. Enfin, retourner se coucher, ça c’est pour moi, pour vous, je pense qu’il est nettement plus intéressant de rester au lit.

Ce matin les futures sont en baisse de 0.9% alors que l’on n’a même pas encore tiré la première cartouche.

Mais la question existentielle qu’il faut se poser est « Mais debleu, il s’est passé quoi hier alors, ça va l’chalet ??? ».

C’est pourtant assez simple. On s’est fait démonter. J’avoue que depuis le temps qu’on se fait taper dessus, j’ai un peu perdu le compte. J’ai un peu l’impression d’être Rocky dans le un, le deux, le trois le quatre, le cinq, le six et dans Creed. On peut d’ailleurs se demander s’il est bien utile de se relever et s’il ne serait pas plus simple de rester étendu sur le ring, là, en attendant l’ambulance. Sans bouger.

Globalement, il faut retenir plusieurs choses qui sont d’ailleurs liées les unes aux autres comme bien des choses dans ce marché de cinglés.

Tout d’abord, si vous demandez à un « expert boursier » – je précise qu’en ce moment, utiliser le mot « expert boursier » revient à dire que le croupier connaît les chiffres qui vont sortir à la roulette – donc, si vous demandez à un expert boursier le pourquoi du comment de la baisse d’hier, il commencera immanquablement par vous dire :

« Tcheeuuuu la branlée…. C’est à cause du pétrole, tu vois comment ? »

Oui, en effet, le commun des mortels de la finance a pris l’habitude de tout coller sur le dos du baril, puisque ce dernier est devenu (officiellement) le responsable de tous les maux qui nous occupent en ce moment.

D’un côté le pétrole passe sous les 30$ et tout le monde se met à hurler : « ÂÂÂÂHHHH, le pétrole va à 20$, ça veut dire que l’économie est pourrie et ca val’être encore plus dans 10$, sauve qui peut !!!! » – et 48 heures après….. Non, pardon, 57 minutes après, il y a des rumeurs comme quoi l’OPEP, la Russie, le côté pas obscure de la Force et l’Agence tous risques vont se mettre d’accord sur une réduction de la production et le pétrole repart à la hausse et passe par-dessus les 30$ et alors-là ; opération girouette et tout le monde se demande si le baril peut atteindre les 100$ en 2016 et si à 100$, il ne risque pas de freiner la croissance économique parce qu’il est trop cher.

Comme disait l’ Homme qui tombait du cinquantième étage ; jusque-là, ça va - bull&bearEn résumé, hier le pétrole est passé sous les 30$ et ce fût l’hallali. Mais fondamentalement, pas QUE pour ça. Oui, parce que dans le monde merveilleux de la finance, on n’est pas idiot, on se contente pas de baisser bêtement sur un seul argument en vendant tout et n’importe quoi et hurlant « OH MY GOD – OH MY GOD – OH MY GOD » (les trois fois OH MY GOD sont O-B-L-I-G-A-T-O-I-R-E) en courant partout en se tenant la tête à deux mains…

NON, dans la finance on aime paraître professionnels et on utilise donc le mot « fondamental » – voir « fondamentaux » pour faire plus sérieux encore.

Donc fondamentalement, le marché a baissé parce que les « fondamentaux se dégradent ».

Je précise que réussir à caser « fondamentalement » ET « fondamentaux » dans la même phrase en finance, c’est un peu comme sortir une quinte flush royal trois fois de suite sans finir dans le goudron et les plumes ou placer « Whiskys » au scrabble ne plaçant le K sur « lettre compte double » et le reste sur deux cases « mot compte triple ».

Fondamentalement, donc, les fondamentaux se dégradent parce que le pétrole est le reflet d’une économie qui est toute pourrie. Cette économie qui est toute pourrie est représentée par les pétrolières qui se font déglinguer à tour de bras – exemple de Chesapeake Energy qui perdait 50% au pinacle de la journée, puisqu’ils ont engagé une boîte pour restructurer la dette. Restructuration de la dette qui a été immédiatement interprétée comme « ils sont en faillite » et comme le marché est extrêmement compréhensif en ce moment….CQFD– et puis surtout, depuis hier on s’est soudainement rendu compte que tout plein de banques au travers de la planète détiennent des obligations de ces sociétés pétrolières.

Il suffisait donc de faire l’addition.

Imaginez si toutes les sociétés pétrolières font défaut en même temps. Cela pourrait donner lieu a une contagion massive sur le secteur bancaire, ce qui fait que l’on se retrouverait dans la même situation qu’à l’époque du Subprime, sauf que les banques centrales ne peuvent plus baisser les taux et que faire du QE ça, ne sert plus à rien – y a qu’à demander à Draghi – tout ce temps passé à dire à tout le monde qu’il fera « whatever it takes save the Economy, the Euro and the Europe », tout ça pour se retrouver dans un Bear Market sur le DAX, on aurait mieux fait de rester couché comme je le disais au début.

Et en plus, vu la tronche de l’économie et des chiffres qui vont avec, il est plus qu’improbable que la FED monte ses taux. C’est la nouvelle tendance du moment que l’on aime utiliser. Et si la FED cesse de monter ses taux après la violente hausse de 0.25% du mois de décembre, cela revient à dire les valeurs bancaires qui comptaient un peu là-dessus pour regonfler leur bilan, vont pouvoir s’accrocher ces espoirs derrière les oreilles.

Tout ça pour vous dire qu’hier on s’est fait vaporiser en Europe, que le DAX est officiellement en Bear Market, que les bancaires et les pétrolières se sont faites décimées et que l’Europe est au plus bas depuis 14 mois, l’Italie et l’Espagne se sont fait vaporiser également, mais beaucoup plus et que la Grèce vient de terminer au plus bas depuis 20 ans.

À ce propos, il est d’ailleurs intéressant de voir que tout d’un coup on reparle reparle de la Grèce. J’en profite pour vous faire le pari que dans les 5 mois qui suivent, on va reparler du défaut de la Grèce. Mais gardons ça pour la bonne bouche, pour plus tard.

Tiens d’ailleurs je vais pouvoir faire « copier-coller » avec mes chroniques de 2011, on à l’air de rentrer gentiment dans le même genre d’ambiance : défaut de la Grèce et dépression nerveuse dans le secteur bancaire.

Aux USA, c’était un peu le même thème, sauf qu’ils sont parvenus à limiter la casse en clôture, déclenchant un rallye dans les deux dernières heures. Rallye déclenché sur le secteur pétrolier après que Chesapeake ait démenti le fait qu’ils soient au bord de la faillite. Le titre est d’ailleurs passé de -50% à -33% – ça va NETTEMENT mieux.

Techniquement, LE SUPPORT dont tout le monde parle, c’est les 1812. Rien à voir avec le début de la guerre entre les USA et l’Angleterre cette même année, c’est tout simplement le dernier « plus bas » du S&P500 affiché le 20 janvier.

Pour l’instant on s’accroche à la paroi, mais à voir ce qui se passe ailleurs, on se demande comment l’irréductible S&P500 va faire pour tenir encore longtemps au-dessus de ces niveaux qui le mettraient immanquablement dans une position que l’on qualifiera de « Bear Marketesque ».

Et puis dans les autres nouvelles périphériques, on notera que Twitter est au plus bas de son histoire – c’est officiellement le canari au fond de la mine – BioCryste Pharma a foiré une de ses études pour une maladie orpheline, les investisseurs « prenaient les profits » et le titre se prenait 71% dans les dents. Apollo Education Group retourne dans le privé pour 1 milliard et des poussières, le titre prenait 24% et le Nikkei continue de baisser alors que nous approchons de la clôture, il frôle les 6% de baisse.

Grosse nouvelle de la journée : l’or est à nouveau un « safe haven » – pas besoin d’avoir fait un CFA pour l’écrire, il frôle les 1200$, il n’en fallait pas plus pour que la bonne vielle théorie du « je veux mon or à la maison pour me sentir plus proche de mon précieux » refasse surface. C’était une question de temps.

Le pétrole est donc à nouveau au-dessus des 30$, laissant libre cours à toutes les spéculations, sauf que là, entre le Japon qui joue à « toujours plus bas » et le site de stockage de Cushing dans l’Oklahoma qui ne sait plus où stocker des barils et qui commence à fuiter de tous les côtés, à moins d’une bonne rumeur en provenance de l’Arabie Saoudite, je ne vois pas comment on va retrouver la niak ce matin. En même temps, c’est en général quand je capitule psychologiquement que ça remonte.

Comme disait l’ Homme qui tombait du cinquantième étage ; jusque-là, ça va - stock mrkDans le reste des nouvelles, le 10 ans japonais vient de passer en terrain négatif, bienvenu en Helvétie. Le volume des CDS est en vertigineuse augmentation alors que les intervenants sont en mode « panique obligataire et risque de défaut à la hausse ». Le patron d’Anglo American pense que la baisse des commodities n’est pas terminée et qu’ils vont encore souffrir. Caramba, juste au moment où l’or redevenait cool. Les Hedge Funds commencent à shorter le real estate de luxe à Londres et Bloomberg pense à se présenter comme Président.

Tout ne va pas si mal. Alors que la Chine est en déroute, l’Inde vient de publier un GDP plus fort que prévu. Et CNBC publie un article qui déclare : « voici ce qui pourrait pousser la Grèce hors de l’Europe » – et paf.. Nous revoici dans la panique hellénique… C’est reparti pour un tour, prenez vos tickets Mesdames et Messieurs, les jeux sont faits, rien ne va plus.

Le Barrons est bullish sur le chart de l’or et des minières et le patron de Google vient de recevoir 200 millions en actions Alphabet, comme quoi 2016 ne sera pas perdue pour tout le monde.

Côté chiffres économiques, nous aurons le chômage en Suisse, le Trade Balance en Allemagne, le budget de la France, le Redbook, les JOLTS et les chiffres du pétrole version API.

Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.85%, Tokyo vient de boucler sa journée en recul de 5.4%, la bonne nouvelle c’est que ce n’est pas le plus bas de la journée. L’Euro/$ est à 1.1211, le yen a cassé les supports et se traite à 114.71, la Livre bénéficie de la faiblesse du dollar et frise les 1.45, l’Euro/Suisse est à 1.1037, le $/Suisse est à 0.9846, quant au Bitcoin, il s’échange à 376$. Le 10 ans US est 1.69% et le 10 ans japonais offre un rendement négatif de 0.04%.

Voilà. Comme vous le voyez, l’ambiance est à son paroxysme, on peine à calmer l’enthousiasme de la foule sur le sujet financier, normalement d’ici deux semaines on devrait commencer à jeter des cailloux sur les banquiers parce que ça sera sûrement encore une fois tout de leur faute, mais autrement, tout va bien et nous vivons vraiment dans un monde formidable. Il n’est pas exclu que je parte me poser sur une plage en attendant des jours meilleurs. En attendant, je vous souhaite une très belle journée et si vous voulez avoir vraiment une très belle journée, je vous recommande NE PAS LIRE cette chronique, ni la presse financière et ne regardez pas dehors car on dirait que la météo s’est synchronisée avec les marchés financiers.

 

3 réponses
  1. emmanuel
    emmanuel dit :

     » it not the end, for sure it is not the beginning of the end, but it is certainly the end of the beginning ». WC

    http://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/021683836126-la-bourse-de-paris-senfonce-sous-les-4000-points-1198873.php

    Oh la belle rouge.

    On arrive très très vite au bout de cet expérimental monétaire.
    Et à présent c’est quoi l’étape suivante.

    Le 10 ans Japonais passe en territoire négatif.
    Donc la BOJ vient de se tirer une balle dans le pied.
    Et le Yen remonte.
    Et oui le chaos génère par cet expérimental monétaire est tel, qu’à présent toute forme d’anticipation est devenu impossible.
    Lundi en Chine attention la chute…
    Nous arrivons très très vite au bout de cet expérimental monétaire.
    Et le méga défaut du Japon est proche.
    Méga défaut qui provoquera un méga crash obligataire et la ruine du système.

  2. Le banquier masqué
    Le banquier masqué dit :

    Pas si sur qu on viendra jetter des cailloux sur les banquiers : on arrive déjà même plus a faire venir les clients, alors même pour un lynchage…

    Dire que je vais fêter mes dix ans dans la banque retail en avril… En 10 ans j aurais connu : l introduction de Natixis, Doublo, Kerviel, les subprimes, la Grèce, Emporiki, la Grèce, les dettes souveraines, la Grèce … Et ces aberrations économiques que sont les QE et les taux négatifs.

    L être humain a une fâcheuse tendance a ne jamais apprendre de ses erreurs…

    Petite question a l équipe des econoclastes : quitte a jouer au jeu du massacre, une idée de ce qui pourrait réellement se passer si nous arrivions a nous claquer un tiercé : crash sur les corporates pétrolière avec faillite « organisée » d une ou plusieurs banques puis effet de contagion aux souverraines et effondrement monétaire ? Depuis le temps qu on nous dit que sans l action des banques centrales en 2008 on serait tous morts ça va être l occasion de tester vu que saint État et saint QE ne pourront plus mutualiser les pertes des agents privés… J ai un doute sur le fait qu on arrive a bouffer les épargnants et qu ils disent en plus merci… Les gens sont d un ingrat aussi 😉

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