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13 millions de raisons de se méfier des taux négatifs de la BCE.

C’est officiel depuis le mercredi 13 avril, la France compte pour la première fois de son histoire 13 millions de retraités, soit 20% de sa population.

La belle affaire nous direz-vous puisque le mois précédent, avec 12,9 millions, la France battait déjà son précédent record absolu de février, et ainsi de suite.

Ce chiffre est en fait passé complètement inaperçu mercredi parce que les marchés sont tombés en proie à un phénomène de sidération causé par une hausse explosive de +2,5% des indices boursiers au bout d’une heure de cotations, de +3% dès l’heure du déjeuner et de +3,3% au final (dans des volumes frôlant le vide sidéral, avec moins de 3MdsE d’échanges réels)… et ce, au prétexte d’un rebond de +11,5% des exportations chinoises en mars après -25,4% en février et -11,2% en janvier.

Outre le fait que le solde annuel des « exports » demeure lourdement négatif, et alors que ce chiffre « officiel » est difficilement vérifiable, avons-nous le souvenir qu’un seul chiffre chinois ait jamais provoqué ne serait-ce que 1% de hausse sur les places européennes ?

Mais tous les gérants, commentateurs, faiseurs d’opinion ont validé ce prétexte puis l’ont matraqué sans relâche durant toute la séance, puis encore la suivante.

Ils ont construit autour du rallye du CAC40 vers 4.500 et du Dow Jones vers 18.000Pts (score plus revu depuis le 22 juillet 2015) tout un discours « a posteriori » destiné à ridiculiser quiconque se hasarderait à rappeler que la correction de mi-janvier et mi-février fut motivée par le constat d’une dégradation alarmante des signaux conjoncturels dans les émergents, de l’explosion des encours de créances douteuses en Chine, de signaux de ralentissement aux Etats Unis, de perte de crédibilité des stratégies des banques centrales, de désintégration de la valeur des dettes « high yield » des producteurs d’énergie aux Etats Unis.

Les sinistres obligataires potentiels se chiffrent en centaines de milliards parmi les producteurs de « shale oil »… mais de façon très concrète, ce sont déjà deux des 3 plus grands groupes producteurs de charbon nord américains qui ont déposé le bilan et rincé leurs créanciers.

Après Arch Coal le 11 janvier, c’était au tour de Peabody, le N°1 américain, le 13 avril… tiens, le jour même où l’euro-Stoxx50 a pris +3,3% et le Nasdaq +1,5% !

Dans l’euphorie générale, c’est le genre de nouvelle qui disparut opportunément dans la trappe de l’indifférence générale.

Ce sont déjà deux des 3 plus grands groupes producteurs de charbon nord américains qui ont déposé le bilan et rincé leurs créanciers.

De toute façon, les marchés zappaient avec la même insouciance la chute inattendue de -0,3% des ventes de détail aux Etats Unis… une broutille puisque cela ne « pèse » que 40% du PIB américain.

Qu’est-ce que cela représente pour Wall Street quand dans le même temps, les exportations chinoises ont prétendument rebondi de +11,5%… sans oublier que les ventes de cognac sont bien repartie à Macao au mois de mars.

Mais revenons à nos 13 millions de retraités du 13 avril, cela nous invite à nous interroger sur la gestion des « flux » : les fonds qui gèrent l’épargne longue sont victimes depuis une vingtaine d’années d’un effet de ciseau entre la baisse du nombre de cotisants et la hausse du nombre de pensionnés, conséquence évidente et inexorable de la pyramide des âges.

Mais la situation s’aggrave depuis 2009 et la mise en place de politiques monétaires visant à écraser le rendement des actifs obligataires : entre le risque de récession –entrainant la faillite des agents économiques les plus endettés- et l’euthanasie des rentiers, les banques centrales ont depuis longtemps fait leur choix… et les allemands vieillissants, plombés par le surgissement des bas salaires depuis 2004, les « travailleurs détachés » depuis la création de l’espace Schengen, en deviennent les 1ères victimes.

Une spoliation des classes moyennes et populaires d’autant plus plébiscité par les 1% les plus riches que le rendement d’un portefeuille obligataire –une classe d’actif profondément ennuyeuse- ne les intéresse pas : ils sont beaucoup plus friands des plus-values mécaniques sur le capital investi en bons du Trésor qu’engendre une politique monétaire ultra-accommodante.

C’est d’autant plus rémunérateur que ces plus-values sont beaucoup moins fiscalisées aux Etats-Unis que les revenus obligataires s’ajoutant aux autres formes de revenus taxables.

Mais les contribuables les plus fortunés ne sont pas naïfs : ils savent bien que les banques centrales orchestrent une déconnection entre la rémunération des créanciers qui devient inversement proportionnelle au risque associé aux emprunteurs (qui sont encouragés à accroître leurs encours et non à se désendetter puisque les banques centrales les payent pour emprunter).

S’il n’y a plus de potentiel de plus-values parce que les rendements ont atteint un plancher psychologique de « zéro », nous aurions dû assister depuis 2013 à des ventes massives de Bunds et d’OAT (pourquoi conserver un actif que ne délivre plus de valeur et qui –ultime absurdité– en détruit ?).

Cet écueil est mécaniquement contourné par les taux négatifs : si les rendements peuvent encore baisser, alors la valeur des emprunts peut continuer de s’apprécier.

Les politiques monétaires de type « apprenti sorcier » repoussent dans le temps –qui n’a désormais plus de prix– le moment où l’absence de potentiel d’appréciation invitera les détenteurs à liquider leurs positions… ce qu’ils ont commencé à faire puisqu’ils débouclent le « carry-trade » Yen/Dollar et Euro/Dollar (réduction des leviers par voie d’emprunt libellés en « devises faibles »).

Le jeu consiste donc pour les banques centrales à les en dissuader en sortant un lapin, puis une liasse de billets, puis un autre lapin et 2 liasses de billets, puis 2 lapins et 3 liasses de billets etc., ad vitam.

Et la banque du Japon est la championne d’endurance toute catégorie dans l’interprétation de ce mauvais numéro de prestidigitation puisqu’elle prolonge cette carambouille depuis plus de 20 ans.

Les spectateurs n’ont même plus besoin de payer leur billet ni de participer au spectacle, c’est offert par la direction du cirque qui envoie dans chaque foyer japonais les lapins et le papier monnaie.

Tant que ces deux ingrédients parviennent en temps et heure dans les maisons de retraite, c’est que le cirque n’a toujours pas été déclaré en faillite, les marchés étant trop contents d’applaudir le numéro de clown du tandem Abe/Kuroda.

Et c’est vrai que d’une certaine façon, ils sont… impayables !

Adoptons maintenant le point de vue qui est celui de la plupart de nos lecteurs : l’épargne retraite ne trouve plus de rémunération dans les placements obligataires, ce qui signifie que l’argent « ne fait plus de petits »… et que les encours vont au mieux stagner durablement.

Mais comme les ayant droits sont plus nombreux, l’encours se dégonfle inexorablement.

D’où le sentiment que l’argent mis de côté ne suffira pas à couvrir les besoins élémentaires le jour de la retraite… et encore faudrait-il entretenir l’espoir de pouvoir la toucher « à taux plein ».

Puisque ce n’est rien moins que sa survie qui est en jeu, le futur pensionné n’a d’autre choix que d’accroître son effort d’épargne, ce qui réduit sa capacité de consommer dans l’immédiat.

La possibilité de vivre à crédit –même si emprunter devient presque gratuit– ne séduit pas l’épargnant dans un monde sans croissance car le problème n’est pas le coût de l’argent mais la précarité qui s’accroît avec la montée du chômage.

Ajoutons que même si la statistique officielle –et la BCE– estiment que l’inflation est nulle et pourrait même connaître une période où elle deviendrait prétendument négative cette année, les ménages mesurent facilement que l’érosion de leur pouvoir d’achat (hausse du coût de la santé, des études, de la fiscalité, des péages, de l’électricité, etc.) est bien plus rapide que les économies réalisées via la restructuration d’un crédit.

Mais attardons-nous un peu sur le concept de l’absence d’inflation : dans un monde sans rendement obligataire, le « choix unique » consiste à s’orienter vers les actions que les conseillers de clientèle présentent désormais comme des supports offrant une rémunération confortable et régulière.

Demandez juste leur avis aux ex-actionnaires de Peabody, Arch Coal, Glencore, Vallourec et de bien d’autres nouveaux venus du secteur de l’énergie aux Etats Unis depuis 2009.

Mais admettons qu’aucun de ces boulets ne plombent un portefeuille : quelle somme faut-il investir pour obtenir le même niveau de pension que procurait un placement obligataire rémunéré à 3% ?

Prenez le S&P500 : il y a 5 ans, à 1.000Pts, il « délivrait » 3% (donc 30.000$ pour 1.000.000$ investis).

Aujourd’hui, pour toucher ces mêmes 30.000$ de l’époque –car les bénéfices des entreprises US ont plafonné depuis 2011–, il faudrait investir un cumul de 2.075.000$.

Autrement, pour se constituer une retraite complémentaire qui contrebalance la perte de revenus des régimes classiques, il faut investir en actions 2 fois la somme qui apparaissait nécessaire 5 ans auparavant.

Aujourd’hui, pour toucher ces mêmes 30.000$ de l’époque –car les bénéfices des entreprises US ont plafonné depuis 2011–, il faudrait investir un cumul de 2.075.000$.

Mais nous tirons depuis le début des plans sur la comète… car nous occultons l’extraordinaire escroquerie intellectuelle qui consiste à faire passer les actions pour des instruments de rendement régulier en les parant des mêmes vertus que les bons du Trésor.

Les dividendes sont tout sauf réguliers et il n’existe aucune garantie qu’une action achetée 100 sera rachetée « au pair » à 100 dans 3, 5 ou 10 ans.

Quelle chance existe-t-il qu’un portefeuille constitué d’actions présentant une PER de 18,5 (S&P500) ou de 28 (Nasdaq) vaille plus en 2020 dans un contexte de contraction structurelle du rythme de la croissance mondiale et de lente érosion des marges ?

Le même raisonnement vaut pour le secteur immobilier : le pouvoir d’achat en mètres carrés des classes moyennes s’est effondré depuis 2009, nonobstant la chute des taux d’emprunts hypothécaires.

Il faut désormais investir 150.000 pour encaisser le même rendement locatif que procurait un bien de 100.000 7 ans auparavant.

 

Vous avez dit pas d’inflation ?

 

 

Ph Béchade

1 réponse
  1. ph11
    ph11 dit :

    Première raison. Un taux d’intérêt est un prix.
    Ce serait comme payer ses clients pour leur fournir un service, payer son patron pour travailler…

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