,

Et maintenant, on passe le Kärcher

C’est tout bonnement incroyable. Incroyable à la vitesse à laquelle le sentiment tourne. La vitesse à laquelle les intervenants passent de : « tout va bien, les chiffres économiques américains sont rassurant » à : « OH MON DIEU, les chiffres économiques allemands sont IMMONDES !!!! »…

En tous les cas, alors que lundi nous étions sereinement en mode « nettoyage de printemps », on faisait le ménage dans les comptes, on regardait quelle position gagnait « bien » et on la vendait pour faire de la place pour les résultats de la semaine prochaine, on était tout décontracté et très professionnel, alors que mardi, c’était tout le contraire.

Dès très tôt hier matin, le Japon a immédiatement donné le ton. Soudainement, on s’est rendu compte que le Yen se baladait dangereusement du côté des 110 contre le dollar et qu’à ce niveau, les exportatrices locales allaient rapidement se retrouver dans une situation critique. Un peu comme si SOUDAINEMENT, le $/YEN était passé de 115 à 110 en l’espace d’un millième de seconde, juste le temps qu’un High Frequency Trader ait le temps de balancer 852’000 ordres, et qu’on se DEVAIT de réagir en balançant sur le marché à peu près tout et n’importe quoi de ce que nous avions en portefeuille et qui se traite en Yen.

Hier matin tôt, à cet instant très précis où vous hésitiez entre un croissant OU un pain au chocolat, le marché était mal en point.

Le reste de la journée n’était qu’une longue suite de commentaires déprimants et de nouvelles qui foutaient les jetons, sans compter les déclarations angoissées de Madame Lagarde.

Tout d’abord les futures prenaient l’eau avant l’ouverture, ensuite les Allemands publiaient des chiffres économiques qui, comme je le mentionnais plus tôt dans cette chronique, étaient peu appétissants pour les partisans du retour à la croissance en Europe et qui confirmaient, un fois encore si l’en était besoin, que le moteur allemand de la croissance en Europe, ressemble de plus en plus à vieux moteur diesel poussiéreux que l’on n’oserait même pas mettre dans une Peugeot HDI.

À partir de là, le ton était donné. Nous étions définitivement dans une journée placée sous le signe de l’ours qui se réveille de son hibernation entamée au début du mois de février. Encore une fois, c’est étonnant à la vitesse à laquelle nous sommes passés d’une certaine sérénité à l’envie de se ronger les ongles en faisant brûler des cierges afin que l’on ne se reprenne pas une claque similaire à celle du mois de janvier.

Alors que l’Allemagne et la France donnaient le ton hier matin, la Goethe University de Francfort n’a rien trouvé de mieux que d’engager Christine Lagarde pour faire un speech. Cette dernière a donc profité de la tribune qui lui était offerte pour « encourager » tous les pays du monde à se donner la main pour « BOOSTER LA CROISSANCE », prévenant que si cela ne se produisait pas, la croissance globale était menacée…

Ce qu’il y a de bien dans ce genre de discours, c’est le fait que ce soit super-utile et très constructif.

Oui, parce que sachant que quand l’investisseur moyen, avec sa vision de l’investissement à cinq minutes, entend un truc pareil, la première réaction c’est de tirer d’abord et de poser les questions ensuite. Mais après, une fois que le « mal est fait », on peut se poser la question du pourquoi du comment.

Madame Lagarde est plutôt sympa et probablement plus agréable à regarder que Dominique Strauss-Kahn l’était, mais quand elle enjoint les pays de ce monde à se donner la main pour booster la croissance, elle croit quoi ??? Elle pense sérieusement que ce n’est pas ce qu’ils sont en train d’ESSAYER de faire ??? Non parce que les multiples QE américains, les plans de soutiens à la croissance en Chine, le Japon qui pagaie dans tous les sens depuis 25 ans pour essayer de faire avancer les choses et Draghi qui fait « whatever it takes » toutes les trois semaines à la télé, c’est quoi ??? C’est pas pour booster la croissance ?

Non, je crois sincèrement qu’ils essaient tous déjà de faire quelque chose, c’est juste qu’ils n’y arrivent pas. Christine Lagarde c’est un peu le supporter devant sa télé, avec ses 3 bières et ses deux hot-dogs qui hurle au joueur sur le terrain de se bouger les fesses et de marquer les deux goals qui manquent pour se qualifier pour la ligue des champions.

Y a qu’à !!! C’est pas faute d’essayer, c’est juste que ça ne marche pas !!!

growthcartoon04.05.2016.164630Bref, du coup, les commentaires de Madame Lagarde n’ont pas aidé les investisseurs à garder la tête froide. Du coup, si on n’aimait pas la nouvelle stratégie de Peugeot annoncée hier, on le faisait savoir haut et fort en vendant tout, on tapait sur la Société Générale « parce qu’ils ont des clients qui ont des comptes au Panama » (SANS BLAGUE ?????????), tous les prétextes étaient bons pour vendre, c’est une de ces journées où le Bull moyen a meilleur temps de retourner se coucher et attendre que ça passe.

Une fois que l’Europe eut donné le ton, avec le DAX qui plongeait de 2.63%, les USA n’avaient pas forcément grand-chose d’autre à faire que suivre le mouvement dans une moindre mesure.

Aux USA on argumentait surtout sur le fait que la saison des résultats ne devrait pas être bonne, car même si les données économiques sont meilleures, il ne faut pas se leurrer, selon des « experts » nous sommes dans une période de croissance molle, dans une période de récession des earnings, c’est d’ailleurs à se demander pourquoi on est remonté depuis le mois de février.

Finalement la seule bonne nouvelle que l’on trouvait à mentionner hier, c’est qu’en regardant les chiffres de l’ISM publiés hier, on voit que l’économie US n’est pas encore TOTALEMENT en train de couler, bien qu’hier on était déjà en train de demander à l’orchestre de venir jouer sur le pont, juste au cas où.

En conclusion, ce mardi était une de ces journées où tout n’était pas rose et tout était morose. C’est ce que l’on appelle un sell-off général.

Sauf chez Tesla et sauf sur le pétrole.

Oui, car rappelez-vous, après la clôture de lundi, les voitures électriques étaient au plus mal et on avait l’impression que le « reversal » tant attendu était arrivé. Eh ben non ! Durant la séance, ils ont encore réussi à nous retourner Tesla. L’action terminait en hausse de 3.4%, après avoir commencé la journée en baisse de 3.5% suite à des ventes décevantes sur le trimestre. Les intervenants préféraient se raccrocher à l’arrivée prochaine du modèle 3 – puisque tout le monde est fasciné par le fait que 270’000 personnes ont déjà versé 1’000 $ pour se faire livrer une voiture dans 18 à 24 mois. Chose que l’on savait déjà la veille mais que l’on a aimé RÉ-entendre hier.

Et puis de l’autre côté, on se prend à remarquer que le pétrole et les marchés sont définitivement fâchés, puisque depuis quelques jours, alors qu’ils nous avaient habitués à fonctionner de concert, ils mettent un point d’honneur à faire exactement l’inverse l’un de l’autre. Hier on s’est rendu compte que, tout de même, l’histoire du prince saoudien et de son gel des prix avait était éculée jusqu’à la corde, du coup on a quand même racheté les shorts en se disant que ça serait tout de même ballot de se faire choper short pétrole alors que tout d’un coup l’OPEP nous faisait filtrer une rumeur d’accord sur les prix. Le baril est donc remonté et ce matin il traite à 36.89$. Sans compter que ce soir il y a les inventaires EIA qui seront publiés. Inutile de vous dire que dans l’ambiance pourrie, l’or est remonté un poil pour justifier son statut de valeur refuge. Ce matin il est péniblement à 1231$. À propos de l’or, on notera tout de même qu’hier, le patron du département « commodities » de Goldman Sachs, Jeff Currie, a encouragé les investisseurs à vendre l’or. Sa théorie est simple : la FED va monter les taux et les taux qui montent font baisser l’or. Point final.

Ce matin tout est à nouveau calme. L’Asie ne fait strictement rien et les futures pointent en direction d’un rebond puisqu’ils sont en hausse de 0.5% à 5h30 ce matin. La journée à venir sera déterminante pour le reste de la semaine, si l’on rebondit réellement, on se dira que la journée d’hier n’aura été qu’un encombrement mineur dans la saine continuité du rebond de ces deux derniers mois. Dans le cas contraire, on invitera Marc Faber sur CNBC pour nous dire que tout est foutu.

Dans les nouvelles du jour, l’annonce du Département du Trésor américain de changer la loi fiscale a forcé Pfizer à renoncer au take-over de 150 milliards sur Allergan. L’annonce officielle devrait tomber ce matin selon le Wall Street Journal. Peu importe, selon le Barron’s que ça se fasse ou pas, les deux titres sont des ACHATS. Toujours au sujet des fusions/acquisitions, le Département de la Justice américain, cette fois, va tenter d’empêcher le merger entre Haliburton et Baker Hughes pour des raisons monopolistiques.

Et puis dans la série démission, les Panama Papers ont fait leur première victime en la personne du premier ministre islandais qui a donc décidé de démissionner parce qu’il avait une société au Panama. À propos de cette histoire, il est tout de même étonnant que PAS UN SEUL ressortissant américain n’apparaisse dans cette montagne de documents…

Ah mais oui, je suis bête, eux ils ont le Delaware !!!

Mauvaise nouvelle : les taux de défaut pour les obligations High Yield est au plus haut depuis 6 ans. Selon S&P 3.8% des compagnies qui sont classées comme « spéculatives », ont fait défaut ces 12 derniers mois.

Toujours au sujet des démissions, le patron d’Air France-KLM s’en va. Alexandre de Juniac prend la direction de l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA).

Côté chiffres économiques, ce soir nous aurons les Minutes du FOMC Meeting, et ça risque d’être LE point intéressant de la journée. Comme d’habitude à chaque publication de ces Minutes, tout le monde va se jeter dessus histoire de voir si Madame Yellen n’a pas caché un code dedans qui nous donnerait la date exact et le rythme précis du cycle de la hausse des taux. Alors attention aux débordements et aux interprétations personnelles des Minutes de ce soir. En dehors des minutes, nous aurons également la production industrielle allemande, le Retail PMI en Europe et les nouvelles demandes d’hypothèques.

Pendant ce temps, on reparle des primaires américaines, Trump s’est pris une claque dans le Wisconsin et on parle du début de son déclin et Hillary est également sous pression de Sanders, soudainement, ce qui semblait évident l’est un peu moins. En même temps, quand on regarde les 4 candidats et que l’on sait que l’un sera le futur président, on se dit que les 4 années à venir risquent d’être drôles.

Actuellement, les futures sont toujours bien disposés, l’Euro/$ est à 1.1367, le Yen tient les 110 à 110.47, la Livre lutte contre le Brexit à 1.4160, le Dollar/Suisse résiste à 0.9575, quant à l’Euro/Suisse, il a cédé du terrain, les 1.09 ne tiennent plus, tout fout le camp et ce matin il se traite à 1.0884, Thomas, s’il te plaît, fais quelque chose !!!

Le Bitcoin est à 419 $ et le rendement du 10 ans US est de 1.73%.

En gros, c’est tout ce qu’il y avait à dire sur la journée « Kärcher » de la veille. Je m’en vais donc vous souhaiter une belle journée, moi je vais prendre mon kayak pour aller au bureau, vu que ça fait bientôt 24 heures qu’il pleut.

3 réponses
  1. draxredd
    draxredd dit :

    Bonjour,

    juste en complément une citation de Terry Pratchett:

    ‘Multiple exclamation marks,’ he went on, shaking his head, ‘are a sure sign of a diseased mind.’

  2. gregoire
    gregoire dit :

    Goldman and gold, toute une histoire …… Avec 0.25% de taux en plus, Yellen a reussi a relancer l’or de 20%, alors le jour ou il y aura un vrai Krach avec les taux US a 10%, je vous laisse deviner a combien sera l’or

  3. Vin100
    Vin100 dit :

    Comme quoi : je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées!

Laisser un commentaire

Participez-vous à la discussion?
N'hésitez pas à contribuer!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *