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Or : les 5 facteurs à surveiller pour la fin d’année

Coup de froid sur le marché de l’or. Après le très bon début d’année qui a vu les cours du métal jaune s’adjuger plus de 28% à la fin l’été, les cours du précieux métal ont reculé de 7% dans les tous premiers jours d’octobre. Pourquoi cette baisse ? Fin d’une tendance ? Début d’une correction ? Voici les points d’attention pour les semaines à venir pour déterminer s’il s’agit d’une correction passagère ou d’un changement de fond.

La FED pourrait remonter ses taux, ce qui pèse sur le métal jaune.

Le premier point, sans doute le plus fondamentale, est l’attitude des principales banques centrales, la Réserve Fédérale américaine (FED) en tête. La baisse s’est en effet déclenchée le 4 octobre 2016 à la suite des propos de Jeffrey Lacker, le président de la FED de Richmond, indiquant que le marché de l’emploi et le niveau actuel de l’inflation justifiait, selon lui, une remontée des taux nettement au-dessus des niveaux actuels (lire ici). Dans les minutes qui ont suivi cette déclaration, les anticipations de hausse de taux aux Etats-Unis lors de la réunion de la FED du 14 décembre s’envolaient. Le métal jaune franchissait alors à la baisse les 1300$ l’once, avant d’accélérer pour finir la séance en recul de plus de 3%. La baisse s’est poursuivie dans les jours qui ont suivi. Rappelons que Jeff Lacker, s’il est bien membre du conseil des gouverneurs de la FED, ne participe actuellement pas au vote de la politique monétaire américaine (pour plus d’information sur le fonctionnement de la FED, lire ici). Son avis n’est donc que consultatif.

Si ces propos sont autant suivis, c’est parce que l’un des plus importants supports de l’or cette année a été l’incapacité de la banque centrale américaine à remonter ces taux, compte tenu de la trop grande fragilité de la situation économique. Le maintien de taux d’intérêts nominaux faibles et de taux réels négatifs rend relativement attractif un placement comme l’or, dont le rendement se contente d’être nul (voir notre note de conjoncture du mois de mai, La théorie de la relativité : ici et la note du mois de mars, Or, inflation et politique monétaire : ici).

L’éventuelle remontée des taux nominaux par la FED doit donc s’apprécier en complément de l’évolution du niveau d’inflation des prix. Celui-ci ayant récemment progressé (l’inflation aux Etats-Unis, hors énergie et alimentation, s’établit actuellement à 2,3%, au plus haut depuis avril 2012), une hausse des taux en décembre ne changerait pas fondamentalement le niveau des taux réels. Il est d’ailleurs compliqué d’envisager une remontée des taux plus franche, compte tenu d’un autre facteur incontournable : la dette. Les Etats-Unis ont aujourd’hui une dette d’état qui représente environ 104% de leur PIB. Dans une telle situation, une remontée des taux d’intérêts de 1% coûte 1,04% du PIB d’intérêts supplémentaires tous les ans. Difficile à envisager au vu des niveaux de croissance actuels…

Rien de vraiment nouveau, donc, du côté de la FED. Les taux nominaux vont sans doute remonter en décembre mais, sans nouvelle remontée de l’inflation, il sera difficile d’aller plus loin dans la normalisation de la politique monétaire outre-Atlantique. Le second point crucial pour le marché de l’or est l’attitude de ses deux principaux clients : la Chine et l’Inde. Il est d’ailleurs à noter que la baisse de l’or est intervenue la semaine où l’ensemble des marchés chinois était fermé pour cause de fête nationale. Outre l’absence de soutien que cela a engendré, il est probable qu’un certain nombre d’intervenants aient positionné des ordres de protection (stops) qui pourraient expliquer l’accélération à la baisse après le franchissement des 1300 $. Mais le pays reste, outre le plus gros producteur d’or au monde (516 tonnes en 2015), un très gros consommateur de métal jaune. L’Empire du milieu a ainsi consommé 529 tonnes d’or au premier semestre 2016 selon les statistiques de la China Gold Association, contre 986 tonnes pour toute l’année 2015 (lire ici).

La Chine et l’Inde sont deux soutiens forts des cours de l’or.

La fête nationale chinoise marque traditionnellement le lancement de la période de forte consommation en Chine, qui se termine avec le nouvel an chinois, dans les premiers mois de l’année. La demande du pays pourrait donc augmenter. On a d’ailleurs vu ces dernières semaines apparaître une prime par rapport au prix officiel de 3$, symbole d’une tension sur le marché.

La situation est identique en Inde où, après un début d’année très décevant en matière de demande (en raison notamment d’une grève des bijoutiers) qui s’était soldé par des rabais pouvant atteindre 70$ par rapport aux prix internationaux au début de l’été, l’once de métal précieux a traité la semaine dernière avec une prime de 1 à 2$ l’once (lire ici) ! La baisse récente a été saisie par les indiens comme une opportunité.

L’attachement de l’Inde à l’or est d’abord culturel. La loi indienne ne prévoyant pas de place aux filles dans la succession, les parents indiens transmettent leur patrimoine à leurs filles grâce à une dote qui leur est remise lors de leur mariage. L’avantage de ce système est que dans la culture indienne, l’or est le seul actif familial dont la responsabilité est confiée à la femme. Aussi en cas de divorce, la femme quittera son mari en emportant son or.

Les indiens sont en outre très religieux et, à ce titre, considèrent qu’il y a des périodes du calendrier hindou qui sont propices aux mariages. On parle même de saison des mariages. Après un long moment considéré comme peu propice, celle-ci recommencera le 11 novembre prochain (lire ici). Par ailleurs, la fin d’année est la période des festivals dans le pays, et notamment le plus important d’entre eux pour la religion hindou : Diwali, ou fête des lumières. A cette occasion, nombre d’indiens achètent de l’or pour faire des offrandes aux dieux dans les temples. Certains attendent ainsi une hausse de la demande de 50% d’ici le festival (lire ici) !

Enfin, il est à noter que dans ce pays, plus de 800 millions de personnes dépendent de l’agriculture pour survivre. Or, cette année, la mousson en Inde a été la meilleure depuis au moins trois ans (lire ici). La conséquence devrait être une hausse du revenu des agriculteurs, qui utilisent traditionnellement l’or comme véhicule de thésaurisation. On observe ainsi une corrélation directe entre le niveau de la mousson et la demande de métal jaune :

 

Niveau de la mousson et demande d’or en Inde

Source : Bloomberg

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L’Inde et la Chine devraient donc plutôt constituer un facteur de soutien aux cours de l’or.

Les achats d’ETF n’ont pas arrêté malgré la correction récente.

Le troisième facteur de soutien à surveiller est la demande d’investissement. Celle-ci se matérialise notamment par les souscriptions aux différents ETF. Elle a connu un fort regain d’intérêt depuis le début de l’année, avec des souscriptions de plus de 560 tonnes, annulant ainsi les ventes réalisées pendant les deux dernières années. Là encore, les nouvelles sont plutôt bonnes pour le métal précieux. En effet, malgré la forte correction récente, les ETF sur le métal jaune n’ont pas connu de ventes, mais bien au contraire de nouvelles souscriptions de plus de 169 000 onces (un peu plus de 5 tonnes)… Toutefois, si les détentions d’ETF devaient recommencer à baisser sensiblement, on pourrait craindre une accélération de la baisse des cours de l’or.

Le risque politique, avec de nombreuses élections à venir dans les pays occidentaux, est de nature à soutenir l’investissement dans les valeurs « refuges ».

Dernier point d’attention : le risque politique. L’une des raisons qui a poussé un certain nombre d’intervenants à augmenter leur exposition à l’or, ce sont les nombreuses échéances électorales à venir. Il y aura ainsi le referendum italien en novembre, de même que les élections américaines ce même mois. Viendront ensuite les élections en France puis en Allemagne. Les risques envisagés sont une déstabilisation européenne en cas de victoire du non au référendum italien ou de défaite de Merkel, et un risque sur la croissance mondiale en cas de victoire de Trump aux Etats-Unis. Si aucun de ces risques ne se matérialise, on pourrait donc voir des prises de bénéfices. Toutefois, il convient de noter que la probabilité d’une victoire de Trump n’est aujourd’hui quasiment plus considérée. Aussi, en cas de surprise, l’or pourrait connaitre un regain d’intérêt.

Il ne faut pas non plus ignorer les tensions entre la Russie et les USA.

Au-delà de ce risque politique, on peut aussi mentionner un risque géopolitique. En effet, on constate aujourd’hui de plus en plus de tensions dans les relations entre Russes et pays occidentaux. Vladimir Putin a ainsi suspendu l’application d’un traité sur le plutonium militaire signé en 2000 avec les Etats-Unis (lire ici), alors même que les négociations entre les deux superpuissances sur la Syrie sont suspendues. Une visite officielle du Président russe en France a par ailleurs été annulée. Si la fracture devait encore s’aggraver dans les mois qui viennent, créant une nouvelle source d’instabilité pouvant notamment pénaliser la croissance mondiale, l’or pourrait aussi en profiter.

Demande physique bien présente aussi bien de la part des ETF que des deux principaux acheteurs d’or que sont l’Inde et la Chine, tensions politiques plus importantes que jamais et situation de politique monétaire quasiment inchangée… Se pose dès lors la question de savoir ce qui a pu provoquer la correction des cours ?  Il ressort de l’analyse des positions ouvertes sur les contrats à terme que l’essentiel de la pression baissière provient sans doute de ventes massives enregistrées en particulier sur les contrats futures américains. Compte tenu de la forte réduction observée sur la position ouverte sur ces contrats, il est probable que l’essentiel de ces ventes soient en réalité une liquidation de positions acheteuses. C’est important car cela signifie uniquement des prises de bénéfices, plutôt que la constitution de positions vendeuses.

Sans changement fondamental sur le marché, la baisse semble avant tout liée à une sortie massive des spéculateurs. Une fois la correction passée, le mouvement pourrait repartir.

Il en ressortirait donc qu’il n’y a pas de changement majeur d’opinion sur le métal jaune, mais plutôt une correction, sans doute dans l’attente d’en savoir davantage sur l’attitude qu’adoptera la FED. Et compte tenu de la problématique de la dette, c’est peut-être là une opportunité rare…

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