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Le prix du pétrole pourrait rapidement tomber à 40 dollars

Interview Easybourse de Benjamin Louvet, Econoclaste sur le pétrole

Quel regard portez-vous sur la tendance baissière du pétrole ? 

Nous ne sommes pas surpris par cette tendance. Depuis que le mouvement s’est déclenché à la suite de la décision de l’OPEP de ne pas réduire outre mesure sa production, nous sommes d’avis que la matière première devrait descendre autour de 50 dollars, voire autour de 40 dollars en exagération. 

Le mouvement semble s’être particulièrement accéléré ces deux derniers jours ? 
Cela s’explique par une remontée du dollar qui n’est traditionnellement pas bonne pour le cours de la matière première. Par ailleurs, davantage de spéculateurs ont décidé de déboucler leurs positions. Ceci étant beaucoup de ces derniers demeurent long sur le pétrole ce qui nous laisse présager un potentiel d’exagération du mouvement à la baisse. Ce d’autant plus que nous n’avons en face aucun élément susceptible de retenir le marché. 

Que voulez-vous dire ? 
Nous avons aujourd’hui une suroffre par rapport à la demande d’environ 2 millions de barils par jour. En l’état actuel des choses, rien ne laisse augurer une vive reprise de la demande. En cela l’excès n’a pas vocation à se résorber pour le moment. 

Trois facteurs pourraient selon vous arrêter la descente des prix du pétrole ? 
En premier lieu, un redémarrage de la croissance et un fort accroissement de la consommation pétrolière, auquel je ne crois pas.
En second lieu, un incident géopolitique sur un des pays producteurs majeurs comme l’Irak ou la Libye. En Irak 2,5 millions de barils par jour sont produits dans le sud du pays, une zone très protégée. Seulement 1,5 million de barils par jour sont menacés. Parallèlement, dans le cas où la production s’arrêtait totalement en Libye, nous perdrions environ 800 000 barils par jour. 
Ainsi si ces deux pays connaissaient d’extrêmes perturbations, nous reviendrions à peine à l’équilibre. 

Des tensions pourraient éventuellement découler du Venezuela ? 
Si le pays se retrouve en position de ne plus pouvoir produire, cela pourrait avoir une répercussion sur le marché. Tel n’est pas actuellement notre scénario central. 

Quelle est la troisième solution ? 
Trouver un prix qui permettra d’ajuster l’offre de pétrole. C’est ce qui est en train de se passer. Cela pourrait prendre quelques temps. Le prix de revient du développement du pétrole conventionnel est assez faible. Il est estimé à moins de 10 5 dollars en Arabie Saoudite, à 8 10-12 dollars en Russie. Il est peu probable à ce stade que ces pays corrigent leur production. 

L’impact devrait davantage se faire sentir sur le développement du pétrole de schiste américain qui a un prix de revient plus élevé et qui se caractérise par un niveau de dette significatif. 
Aussi, de multiples entreprises américaines évoluant dans cette industrie ont été amenées à couvrir une partie de leur production à un horizon de six à douze mois. Si les nouveaux projets peuvent être arrêtés, les projets déjà en déploiement devraient être maintenus. La production devrait demeurer stable au moins jusqu’à juin ou septembre.

La délivrance des permis de forage pourrait changer la donne ? 
Une vraie inversion dans les demandes de permis de forage pourrait entrainer une remontée des prix sur le long terme sur la courbe américaine. Mais celle-ci devrait prendre du temps. Le système de bail américain pour les zones d’exploitation est basé sur le principe du HBP (held by production), c’est-à-dire que les compagnies doivent produire pour conserver leurs droits à forer. Elles vont donc poursuivre leur développement sur les zones les plus prometteuses, quel que soit l’évolution du prix.

Pourquoi considérez-vous qu’il sera difficile pour le prix du baril d’aller en dessous de 40 dollars ? 
De nombreux pays membres de l’OPEP sont dans une situation compliquée, tels que le Venezuela, l’Iran, le Nigéria, l’Algérie… 

Vous attendez-vous à une nouvelle réunion de l’OPEP avant juin ? 
Non. Le seul pays en mesure de réduire sa production au sein de l’organisation est l’Arabie Saoudite. Celle-ci ne veut clairement pas intervenir pour le moment. Le pays peut dans l’absolu laisser le prix retomber à 20 dollars pendant 12 à 18 mois grâce à des réserves de change de 150 750 milliards de dollars, et aucun endettement. 

Quelle lecture faites-vous de la diminution des prix proposés par l’Arabie Saoudite à certains de ses acheteurs ? 
L’Arabie Saoudite est indéniablement dans une guerre des prix en vue de préserver ses parts de marché. Dans un marché difficilement équilibré, la baisse de la production de l’Arabie Saoudite ne lui permet pas, à elle seule, de garder ses clients. Il lui faut en plus diminuer ses prix. 

Avez-vous été surpris par les records enregistrés en termes de production pour la Russie et d’exportations pour l’Irak ? 
Non. Ces niveaux record devraient persister du fait du besoin ressenti de générer d’abondants revenus pétroliers. 
La Russie devrait devoir réduire marginalement sa production, de 50 000 barils par jour, dans les mois à venir pour des considérations techniques. En Irak, l’accord conclu entre le Kurdistan et le gouvernement central poussent les kurdes à accroitre leur production dans le nord du pays. 

Tablez-vous sur une poursuite de la mise à mal des valeurs pétrolières sur le marché boursier ? Une société de service pétrolier comme Transocean a perdu lundi à Wall Street plus de 7%. 
Absolument. Certains opérateurs se repositionnent sur les valeurs pétrolières aujourd’hui. Je crois qu’il est encore trop tôt. En témoigne ce qui s’est passé avec les valeurs aurifères. Après un rebond temporaire, nous avons observé une nouvelle correction conséquente.
Les ajustements nécessaires pour ces sociétés sont loin d’être terminés. De nombreuses ont une dette supérieure à 65% de la capitalisation boursière. La probabilité de faire faillite avec un tel niveau d’endettement dans les deux ans est très élevée. 
Le secteur pétrolier représente 16% du marché du high yield aux Etats-Unis. Il y a donc un véritable risque de voir encore des dégagements de positions sur ces sociétés.
Enfin, si la baisse des cours se prolonge, les compagnies devront revoir le niveau de cours auquel elles estiment leurs réserves, ce qui en réduira le volume (à un prix plus faible, il y a moins de pétrole récupérable) et la valorisation. En conséquence, on peut s’attendre à de grosses dépréciations d’actifs.

Quel enseignement in fine tirez-vous de ce panorama global sur le pétrole ? 
Je suis très actif sur la matière première dans les portefeuilles que je gère. 

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