BFM du 13 avril 2015 – Des bulles sans surprises

Pierre_Sabatier_Olivier_Delamarche

Des bulles sans surprises : Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier

Explications sur la montée des marchés européens

« On est vraiment dans notre scénario de gonflement d’une bulle. »

« Aujourd’hui on a un alignement des planètes qui fait que les marchés montent, les marchés européens montent parce qu’essentiellement poussés pour deux raisons :

  1. Le Quantitative Easing européen […] C’est un effet d’éviction […], c’est une sorte d’administration de prix : vous orientez l’épargne des gens au détriment de tout ce qui reste puisque la Banque Centrale rachète tout le papier obligataire vers le reste, et le reste c’est notamment les actions.
  2. Mais aussi les craintes sur les Émergents et cela est assez rarement noté. C’est-à-dire que la crainte sur les perspectives des pays émergents fait qu’un certain nombre de capitaux sont rapatriés soit aux Etats-Unis, soit en Europe. Vu que l’Europe a un petit peu plus le vent en poupe en ce moment et bien ils viennent renforcer ce marché de flux. »

La Chine décline

« Aujourd’hui [la Chine a] publié un chiffre d’exportations qui s’écrase de quasi 15% et un chiffre d’importations qui est à -12,3. Alors ce n’est pas tant les exportations parce que c’est la correction du mois dernier où on avait eu un chiffre incroyable à +40 qui était juste ridicule, et complètement hors statistique […] donc ils nous ont mis un chiffre qui n’avait absolument aucun intérêt […] et en plus qui était faux parce que sinon vous l’auriez retrouvé du côté des importations et on n’a pas constaté ça donc c’était un chiffre faux et on va avoir la correction sur les trois mois qui viennent.

C’est le chiffre des importations qui est intéressant puisque je vous rappelle quand même que la majorité des commentateurs nous avaient dit que ce n’était pas grave, le modèle chinois était en train de changer, donc c’était un modèle de consommation et de développement interne qui allait prendre le relais des exportations chinoises. Et on le voit bien c’est : -20, -20, -12. Alors certains vont nous dire que -12 c’est mieux que -20 : alors oui c’est vrai mais ça n’en reste pas moins négatif et sur le premier trimestre c’est très très négatif. »

« La Chine c’est avant tout le modèle espagnol depuis 6 ans porté à son paroxysme comme jamais dans l’Histoire économique; à savoir une économie totalement tournée vers l’investissement : l’investissement dans les infrastructures, dans le résidentiel, dans les outils de production. »

« La voie ferrée c’est typique. Cela fait fait plus d’un an maintenant que vous êtes sur des niveaux de recul de l’usage que vous faîtes du fret ferroviaire qui est entre -5 et -10%. C’est la réalité du terrain. La Chine aujourd’hui a subi un ralentissement qui est beaucoup plus brutal que les chiffres veulent bien le laisser penser et aujourd’hui on a vraiment des gouvernants qui ne savent plus faire grand chose face à ça. Qu’est-ce qu’ils font ? Ils font ce qu’ils ont annoncé au mois de décembre, à savoir ce qu’ils ont toujours fait maintenant depuis 6 ans. Lorsque ça ralentit, je vais en faire encore un peu plus : à savoir je vais investir encore un peu plus. Ils ont annoncé à peu près 500~600 milliards d’euros d’investissements pour les années à venir. Dans quoi ? Dans les infrastructures parce qu’aujourd’hui créer de l’emploi en Chine ça veut dire créer des outils de production, créer des routes, créer des aéroports ou créer des immeubles. Malheureusement ils auront bien du mal à les remplir parce qu’aujourd’hui les chinois, et le marché intérieur chinois, n’est pas suffisamment solvable pour justement utiliser toutes ces infrastructures là. »

La montée des bulles

« Ce ne sont pas les fondamentaux qui guident les marchés. Le seul moteur des marchés c’est d’avoir de l’essence tout le temps, tout le temps, tout le temps, même si le moteur est cassé. »

Les chiffres donnés par la Chine sont donc catastrophiques, néanmoins le marché à Shanghai a continué de monter. « Pourquoi ? Pour la même chose que ce que l’on a eu aux Etats-Unis pendant des mois et des mois. […] C’est le rêve de tout le monde, c’est d’avoir un Quantitative Easing et imaginez à la taille de la Chine : ça va être extraordinaire. »

« Regardez ce qu’il s’est passé au Japon, c’est exactement la même chose. On a une suite de chiffres catastrophiques au Japon depuis des mois et des mois et on a un indice au plus haut. »

« Moins ça marche, plus ça monte. »

« Au fur et à mesure on a quand même tous les moteurs qui s’éteignent. La Chine c’était un moteur de la croissance supposée revenir. Le Japon c’est terminé. Les pays émergents c’est terminé. Les Etats-Unis on voit quand même que ça ralentit et que ça ralentit fortement. Donc d’où va venir la croissance ? Peut-être de la France avec ses 40 Rafales qu’elle a vendus. […] La c’est la reprise basée sur quoi ? Sur les prévisions de l’INSEE qui ont dit que ça y est c’était formidable c’était la reprise. C’est du wishful thinking. »

« C’est le concept d’une bulle. Peu importe les fondamentaux, les éléments sont là pour que le marché monte, et le marché monte donc le marché va continuer de monter. »

Si on regarde le passé sur longue période et notamment le marché américain pour savoir où on en est dans le gonflement de la bulle : « on voit qu’une déconnexion aussi forte entre les fondamentaux économiques et la valorisation des marchés qu’on peut traduire par le ratio cours sur bénéfices [… n’a eu lieu que dans] 7 épisodes qui ont été aussi en déconnexion depuis le début du XXème. On en a deux catégories : soit 87 soit 98. C’est-à-dire qu’à ce niveau là de déconnexion il serait probable que dans les mois à venir on connaisse un vrai décrochage.

Soit 1928 et 1999 […] et on aura encore une grosse année où la bulle va monter dans le vide, mais va monter […] et finira par exploser, parce que vous savez que 28 et 99 ont débouché non sur une correction mais sur le début d’un long bear-market, d’un long marché baissier qui aura duré quelques années. » N’hésitez surtout pas à retrouver l’article de Pierre Sabatier sur le sujet sur le site de l’Agefi ici : Le S&P 500 pourrait se diriger vers un choc similaire à celui de 1987

« [Le krach de] 87 c’est 32% de baisse pour le S&P500 dans les 2 à 3 mois qui ont suivi. Pareil pour 1998. Ca a été brutal, mais c’est reparti derrière. »

Le Brésil n’est qu’une répétition de l’histoire

« Le Brésil est un pays qui vit une crise d’adolescence. »

« Il y a une problématique d’hyper-inflation. Regardez comment se traduisent les environnements hyper-inflationnistes dans le passé dans les économies. Toujours de la même manière : crise brutale et sévère. […] L’hyper-inflation ça se finit toujours dans le sang. Dans le sang ça veut dire un vrai accident de croissance sur ce genre de pays. […] Tous les pays qui sont sujets à l’hyper-inflation finissent toujours par faire un reset mais un reset qui n’est pas progressif et lent comme ce que nous connaissons en Europe ou aux Etats-Unis qui est un peu la lèpre : c’est-à-dire qu’on perd un doigt, deux doigts ou trois doigts. Là c’est une crise cardiaque, et la crise cardiaque c’est un recul brutal de l’économie et à partir de là ça reste des pays à potentiel et qui pourront à nouveau l’exprimer. Mais imaginez qu’un pays en hyper-inflation règle son problème tranquillement : même les Etats-Unis au début des années 80 n’ont pas réussi et pourtant les Etats-Unis étaient bien plus riches que le Brésil d’aujourd’hui. »

« Regardez : c’est systématiquement le même processus. C’est-à-dire qu’on fait semblant d’y croire. Enfin la majorité fait semblant d’y croire. Fait semblant de croire à la croissance chinoise. Fait semblant de croire à ce que le Brésil continue comme ça ad vitam æternam et ils sont tous surpris quand ça arrive. »

La Grexit ne surprend plus personne

« Ca ne surprend plus personne mais il y a une différence entre la surprise et le mal que ça va faire. Aujourd’hui on essaie de nous faire passer la pilule en nous disant : « aujourd’hui on est prêt à un défaut de la Grèce, on est prêt à une sortie de la Grèce ». […] Vous avez aujourd’hui une espèce de principe qui est de dire « ne vous inquiétez pas ça va bien se passer. » […] C’est faux ça fera très mal. Ca fera très mal parce qu’on ne peut pas comme ça d’un coup s’asseoir sur 300 milliards […] alors qu’on est déjà surendetté, qu’on ne sait pas exactement combien les banques en ont et ce qu’il va se passer dans les banques. Combien il y a de banques qui vont sauter à cause de ça. Qu’on a des départs massifs de Grèce, qu’on a un bank run massif de Grèce et que le trou se creuse mois après mois, jour après jour. On était à 15 milliards de départ en février, on ne connait pas encore le chiffre de mars mais il doit être à peu près le même. Ca fait 7.5% du PIB chaque mois qui part. »

 Les obligations corporates, solution pour du rendement ?

La Suisse vient d’émettre aujourd’hui une obligation à 10 ans à -0.05%.

« Ca veut dire que des gens sont prêts à louer un coffre fort pendant 10 ans et donc à payer pour ça. […] Ce sont des professionnels qui achètent ça. C’est pour vous dire leur perception économique du jour. »

« Aujourd’hui soit vous acceptez le risque et vous achetez des actions […] alors ça s’apparente un peu au casino, c’est-à-dire que vous vous laisserez porter. Le jour où vous pensez que le Quantitative Easing s’arrête ou va s’arrêter vous partez. Mais ça c’est très risqué. […] Cette hausse des marchés ne traduit pas une capacité des entreprises à créer plus de richesse. C’est du vent. C’est du jeu. »

« Si vous n’êtes pas joueur et que vous voulez une préservation optimale du capital il ne faut pas chercher […] c’est l’obligataire corporate et à chaque fois que les taux vont augmenter vous pouvez en racheter. »

« Les années où vous pouviez avoir des billets de trésorerie à 5.5% l’année sur du LVMH c’est fini, c’est terminé. »

« Le risque a énormément augmenté et les rendements ont énormément diminué donc soit vous prenez un risque tout ça pour avoir du 1.5 ou du 2, soit vous ne prenez pas de risques mais à ce moment là vous aurez une rémunération très faible mais vous ne vous retrouvez pas en short le jour où la mer se retire. »

Rédigé par Raphaël Becanne

3 réponses
  1. emmanuel
    emmanuel dit :

    Mon problème c’est que restera-t-il de votre obligataire après.
    Ce qui se prépare c’est plutôt « THE DAY AFTER ».
    En 1928 le monde de l’époque était en croissance. C’est une différence de poids.
    Autrement si dans quelques mois on se paye « the 1929 », on passera de la quasi stagnation économique à la récession mondiale.
    Et que restera il a ce moment du Casino, et de tous les joueurs compulsifs que sont les intervenants de se Casino.
    Mais même en considérant qu’une simple correction de 40%, que va il se passer pour toutes ses boites qui s’endettent sur la base d’un cours de leurs actions pour détruire leur capital… Des entreprises adictes a la dette.
    Le saut a l’élastique dans le vide sans elastic, c’est ce a quoi jouent tout se petit monde.
    Le fait est que nous sommes tous dans le vide sans le vouloir.

  2. Philippe PASCAL
    Philippe PASCAL dit :

    Jamie Dimon prépare seulement son parachute.
    La différence avec les autres, c’est que eux n’en ont pas 😉 Alors, ils continuent de rassurer les investisseurs. En sachant que la fin est proche…

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