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Les « fracklogs », nouvelle forme de stockage de pétrole ?

Alors que le mois dernier encore, certains évoquaient la possibilité de voir les prix du pétrole descendre jusqu’à 20$ le baril du fait de l’abondance de production tant en Russie qu’au Moyen Orient et aux Etats-Unis, les prix ont pris la direction opposée ces dernières semaines.

En cause : l’annonce des premières réductions de production des entreprises opérant dans le secteur des pétroles de schiste aux USA d’une part, et la reprise de la consommation de carburant et l’augmentation de l’utilisation des capacités de raffinage outre-Atlantique d’autre part. En l’espace de quelques semaines, on a ainsi vu la demande de pétrole des raffineries augmenter de plus de 500 000 barils par jour, les opérations de maintenance précédant la période estivale touchant à leur fin.

Mais la tendance est-elle durable ? Si l’administration américaine confirme un ralentissement à venir de la production, certains opérateurs s’inquiètent de la capacité des entreprises opérant dans le secteur pétrolier à reprendre très rapidement la production si les prix devaient remonter prochainement. En effet, devant le manque de capacité de stockage disponible et les difficultés à trouver des financements, certaines entreprises ont développé une nouvelle technique : les « fracklogs ».

Cela consiste à réaliser le forage préparatoire d’un puits (études préparatoires, forage, tubage et cimentage) sans réaliser les opérations de finalisation de la mise en production, soit la mise en œuvre de l’ensemble des équipements utiles à l’extraction proprement dite. L’idée est ingénieuse : on constitue une nouvelle forme de stockage, avec un pétrole que l’on peut rapidement aller chercher en cas de besoin et de remontée des prix, tout en économisant les coûts de finalisation. Car si pour un puits de pétrole conventionnel, le forage représente la quasi-totalité des coûts, dans les forages non conventionnels, les travaux de mise en service peuvent représenter à eux seuls les deux tiers des dépenses. Le forage d’un puits de pétrole de schiste coûtant de l’ordre de 6 millions de dollars, on parle tout de même d’une économie de quelques 4 millions par puits.

La méthode prend donc de l’ampleur et pourrait représenter pratiquement 3000 puits sur l’ensemble du territoire américain, selon le consultant Evercore ISI. Selon IHS, l’un des principaux cabinets d’analyse des marchés pétroliers, il y aurait 1400 puits de ce type dans le sud du Texas, sur le champ pétrolifère d’Eagle Ford. Au total, au niveau national, le phénomène pourrait donc constituer une réserve de production de l’ordre de 370 000 barils par jour, selon le consultant Genscape.

C’est sans doute ce qui fait du nombre de puits une donnée stratégique. Cela expliquerait d’ailleurs pourquoi Baker Hughes, filiale d’Halliburton spécialisée dans les services pétroliers, a décidé d’arrêter brutalement la publication trimestrielle de son « well count » (à ne pas confondre avec la publication hebdomadaire des « rig count » dont nous avons déjà parlée), quelques heures avant l’annonce des chiffres du premier trimestre. Sans doute la compagnie n’a pas voulu faire courir à ses clients le risque d’une nouvelle baisse des prix du pétrole qui aurait pu les mettre en grande difficulté.

D’autant que la période est cruciale pour les compagnies pétrolières. En effet, le mois d’avril est l’une des périodes où les banques passent en revue l’ensemble des conditions de crédit de leurs clients du secteur énergies. Ainsi, les capacités d’emprunts sont réévaluées en fonction du cours moyen du pétrole sur les 12 derniers mois. Or, depuis la dernière revue en octobre, ce prix de référence est passé de 99$ le baril à 80$. On peut donc envisager un resserrement drastique des conditions financières. Certaines sociétés, comme Sabine Energy, ont d’ailleurs d’ores et déjà averti leurs actionnaires et leurs créanciers qu’elles pourraient se retrouver dans l’impossibilité de faire face à leurs engagements.

Reste à savoir si en cas de faillite, étant donné la parcellisation de ce marché, des compagnies se porteront acquéreurs des actifs. L’autre question est de savoir si, dans un contexte de resserrement des conditions de crédit, les sociétés seront en mesure, en cas de remontée des prix, d’obtenir rapidement les financements nécessaires au déploiement des puits en attente… Le pétrole pourrait donc avoir du mal à retrouver rapidement les 100$, mais la probabilité que les plus bas soient désormais derrière nous augmente…

Rédigé par Benjamin Louvet, Directeur Général Délégué de Prim Finance.

1 réponse
  1. JLD
    JLD dit :

    Bonjour,
    peut importe que les cours du pétrole soient à 20$ ou 100$, LA SEULE CHOSE qu’il faut retenir est que pour la première fois depuis le premier choc pétrolier des 70’s, les candidats à l’élection présidentielle américain n’auront pas à négocier avec les pays du Golfe…

    La dépendance énergétique américaine a toujours été un sujet de discorde…

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