BFM du 25 août 2015 – Impacts des dévaluations monétaires

Jacques Sapir

Impacts des dévaluations monétaires : Jacques Sapir VS Cyrille Collet

Ca y est, les langues commencent à se délier. Cyrille Collet explique que la croissance chinoise à 7% est « un vœu pieux », alors que nos Econoclastes le dénoncent depuis longtemps déjà. Il critique même les chiffres des Etats-Unis, remis en question par Olivier Delamarche toutes les semaines depuis des mois. La prise de conscience commence à prendre forme : les chiffres ne sont pas bons, des personnes sont obligés d’être sur les marchés actions (regardez les interviews de Pierre Sabatier pour comprendre qui ils sont) et les fondamentaux des actions sont inconnus. « Si on n’est pas capable de savoir à 25% près ce que vaut une entreprise, il y a un vrai sujet. »

« L’élément déclencheur [de cette prise de conscience] c’est très vraisemblablement la dévaluation du yuan qui a été organisée par le gouvernement chinois » explique Jacques Sapir, qui s’accorde entièrement sur les propos tenus par Cyrille Collet. Toutefois, le problème n’est pas lié uniquement à la Chine selon lui. Les pays émergents se retrouvent tous faces à un problème de « basculement d’un modèle de croissance basé sur les exportations vers un modèle de croissance qui est beaucoup plus centré sur la consommation intérieure. Et on voit que la Chine n’y arrive pas. »

Une des raisons de cet échec est une épargne trop importante en Chine liée à des mécanismes de protection sociale extrêmement faibles. Les chinois tentent donc de se protéger via leur épargne. Une autre raison concerne le manque de visibilité quant à l’avenir de « l’économie chinoise et de leur position personnelle ». Enfin, la dernière raison correspond à la croissance d’une bulle spéculative à la suite de gains rapides que le gouvernement a fait miroiter directement ou indirectement à sa population.

Pour Cyrille Collet, cette correction est normale puisqu’elle intervient après trois ans de hausse de marché (+150 à 200%) et il est anormal en revanche que tous les autres marchés soient aussi frileux quant à cet événement.

« En réalité, le parti va accroître sa domination sur la société chinoise. »

L’analyse de Jacques Sapir sur ces événements souligne que le gouvernement chinois va tirer les fruits de cette baisse en récupérant (indirectement via de grosses sociétés d’investissements) les titres des sociétés mis en vente et donc des parts de ces sociétés. Pour argumenter son point de vue, l’économiste trace le parallèle avec les mesures prises en Russie lors de la crise de 2008 ou même celle de décembre 2015. Ainsi le parti communiste chinois devrait s’en sortir à bon compte.

Pour Jacques Sapir « il est extrêmement important que la FED ne dise pas ce qu’elle va faire avant de le faire, et qu’elle ne se lie pas les mains à une règle. » En effet, on est sur « des marchés d’espérance » où les acteurs se projettent dans le futur pour agir, donc il faut que « l’action discrétionnaire » (ne pas prévenir de ses agissements) soit conservée pour la banque centrale américaine. Toutefois, la hausse des taux, qui selon l’Econoclaste aura plutôt lieu en décembre qu’en septembre, se tiendra avant 2016, année électorale aux Etats-Unis.

Un autre sujet d’actualité sur les marchés est la baisse des prix du pétrole. Cyrille Collet explique que cette baisse n’a pas tant d’impacts sur les pays exportateurs qu’on pourrait l’imaginer car ces derniers sont des pays émergents, qui vendent leur pétrole en dollar, et dont la monnaie a été fortement dévaluée par rapport au dollar. L’un dans l’autre, ces pays s’y retrouvent. Ce constat est vrai pour d’autres matières premières, comme le cuivre au Chili.

« On est en train d’avoir une consolidation mondiale de l’offre de pétrole. »

Pour Jacques Sapir, il y a un « excès d’offre » sur le pétrole. Néanmoins, il devrait y avoir une remontée de ces prix à partir de la deuxième quinzaine de septembre selon lui, liée à une consolidation du marché aux Etats-Unis, où les grands producteurs de pétrole de schistes pourront racheter les plus petits.

Quoi qu’il en soit, notre Econoclaste s’accorde sur les propos de Cyrille Collet quant à la faiblesse de l’impact des prix du pétrole sur les pays producteurs. En prenant l’exemple de la Russie, Jacques Sapir explique que les grands producteurs de pétrole du pays (dont certains sont nationalisés), qui ne sont pas impactés par la dévaluation du rouble car ils vendent en dollar, seront à même en suite d’investir dans le pays massivement.

Rédigé par Raphaël Becanne

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