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Trois semaines pour passer du pire au meilleur

Ce n’est pas une nouveauté, dans le monde de la finance, nous avons la capacité de tourner la veste pratiquement plus vite que la moyenne des politiciens au travers de la planète, ce qui n’est pas peu dire.

C’est en tous les cas la première constatation qui me vient à l’esprit quand je regarde le marché, la presse et le sentiment global ce matin. Penser qu’il y a trois semaines, nous étions à la limite de « rendre les plaques », que les indices dansaient dangereusement avec des supports qui avaient l’air à peu près aussi résistants qu’une plaque de beurre posée sur une table en plein soleil, paraît complètement irréel.

En ce temps-là, nous ne parlions que de « Bear Market », la fin semblait proche et le Bull Market actuel, qui nous occupe depuis plus de 1750 jours et qui fêtera son septième anniversaire ce mercredi, semblait aussi mal en point que les résultats de la BNS de la semaine passée. Pourtant, à peine trois semaines plus tard, la photo de famille est totalement différente et les questions que l’on se pose n’ont plus rien à voir avec celles du début du mois de février. Et pourtant rien, mais alors rien du tout n’a changé.

Si l’on reprend notre carnet de notes du début de l’année et que l’on essaye de se souvenir ce qui nous avait fait paniquer, il n’y a pas besoin d’avoir fait de grandes études pour se rendre compte que rien n’a changé, si ce n’est notre état d’esprit.

 

Personnellement, je retiens trois grands axes qui ont créé le chaos au début de l’année :

1) la Chine qui n’allait plus jamais croître et voir rentrer en récession
2) le pétrole qui allait à 20$, puis à 10$ et puis peut-être même à zéro et même qu’à la fin les pays producteurs ils allaient nous payer pour faire le plein d’essence
3) et les banques centrales qui étaient complètement paumées, incapables de trouver les solutions pour relancer leurs économies respectives, aux USA, Yellen qui se demandait quoi faire avec ses taux pendant que tout le monde utilisait le mot « récession » à toutes les sauces, au Japon, Kuroda qui ne sait plus quoi faire pour relancer son économie avec ses multiples QE et ses taux négatifs qui ont eu autant d’effet que du mercurochrome sur une artère sectionnée et Draghi qui est plus efficace en parlant qu’en agissant…

Ces trois grands axes, qui ont occupé la presse et les autre médias financiers depuis le début de l’année, sont toujours là et bien là. Personne n’y a apporté la moindre solution, personne n’y voit forcément plus clair, mais peu importe, la perception de l’investisseur a totalement changé et plus personne ne semble vouloir utiliser le mot « krach » ou même « correction » depuis quelques jours. Même Edwards, qui prédisait une correction de 75% il y a 30 jours a disparu de la circulation. Missing in action, comme disait Chuck Norris.

Nous voilà donc de retour sur des niveaux que l’on ne croyait plus possible il n’y a pas si longtemps. Le Dow Jones est à 17’000 à nouveau, alors que l’on frisait les 15500, il y a trois semaines. Le S&P500 est de retour à 2’000, alors que les 1812 semblaient « fragiles et le DAX a repris 1’000 points depuis les pires instants de février.

C’est donc officiellement la troisième fois en 5 mois que le marché nous fait une crise de nerfs, que tout le monde panique, que la fin du monde est proche et c’est la troisième fois que l’on remonte comme un bouchon de liège plongé au fond d’une baignoire. Mais que l’on ne se méprenne pas ; la Chine est toujours dans une phase de ralentissement de la croissance et même si tous les trois jours le gouvernement chinois invente une nouvelle solution pour relancer la croissance, nous n’y sommes pas encore.

Le pétrole, en revanche nous aura bien fait rigoler. En tous les cas, personnellement, tous les matins je suis mort de rire en lisant les opinions de tout un chacun sur le baril. Oui, car depuis plusieurs mois, il important que vous sachiez que 91.1% de la population « experte » en finance est devenue également « experte » en pétrole. Bon, cette population est devenue autant experte en or noir que moi je suis expert en Porsche 911, mais c’est l’impression qui compte. Tout le monde avait une opinion il n’y a pas si longtemps. Là tout de suite, un peu moins. Mais il y a un mois, TOUT LE MONDE SAVAIT que le baril allait à 20$ et puis c’est tout. Rarement en finance nous n’avions été aussi certains. Presque aussi certains que quand nous étions CERTAINS que le Dow Jones allait à 40’000, presque aussi CERTAINS que quand nous étions certains que Yahoo ! valait 1’000$, presque aussi CERTAINS que quand nous étions certains que Nestlé allait vendre sa participation dans l’Oréal à peu près toutes les trois semaines, presque aussi CERTAINS que quand nous étions certains que l’or allait à 5’000, presque aussi CERTAINS que quand nous étions certains que Twitter allait bouffer Facebook et la liste est encore longue..

Et puis il y a surtout : « aussi certains que nous étions certains que le pétrole allait à 300$ » – n’est-ce pas Monsieur Murti de chez Goldman-parti-à-la-retraite-depuis.

Tout ça pour vous dire que depuis que le baril nous a offert cette certitude d’aller à 20 et que tout le monde s’est mis d’accord pour corroborer le scénario, puisqu’il est toujours plus agréable d’avoir tort tous ensemble plutôt que d’avoir raison tout seul, le pétrole est remonté. Non seulement on spécule sur l’éventualité qu’il se passe un miracle et que les pays producteurs de pétrole se mettent d’accord, ce qui est à peu près aussi plausible que d’entendre Poutine dire que François Hollande est un grand homme d’état – un gros oui, mais pas un grand – et puis en plus d’un éventuel hypothétique accord, nous avons assisté à un « short squeeze » de classe mondiale, vu que tout le monde était short et attendait les 20$ pour « couvrir », sauf que ce matin, à 36,57$, soit 40% plus haut que les plus bas, on a l’air couillon avec notre target à 20… D’ailleurs plus personne n’en parle. Et ceux qui le revendiquaient haut et fort il y a un mois, ben comme par hasard, ils sont tous en vacances de ski…

Et puis dernier stress qui n’est pas résolu, c’est l’état des économies mondiales et les manipulations des banques centrales. Le Japon fait tout ce qu’il peut pour soutenir son marché boursier, mais l’économie a l’air de redécoller comme un hippopotame qui a trop mangé, Yellen n’ose plus rien faire et plus rien dire, même si les chiffres de l’emploi de vendredi passé étaient nettement supérieurs aux attentes et que le nombre de personnes qui attendent une hausse des taux en mars est plus élevé que jeudi soir, on n’est de loin pas encore convaincu que ce chiffre à lui tout seul donne le droit à Madame Yellen de recommencer son cycle de hausse des taux débuté en décembre. Il faut dire qu’avec la bordée d’injures qu’elle a du subir entre fin janvier et début février, parce que TOUT LE MONDE SAVAIT soudainement qu’elle n’aurait jamais du monter les taux, il y a de quoi douter en ce lundi matin.

 

Trois semaines pour passer du pire au meilleur - hedgeye1Il reste donc Super-Mario-Draghi qui est attendu à la tribune ce jeudi. Et cette fois il va devoir AGIR plutôt que de causer, même si, statistiquement, il est beaucoup plus efficace en causant qu’en agissant, cette fois le marché attend un geste fort et offrir une tournée de focaccia arrosé de chianti ne va pas suffire.

Tout ça pour vous dire que l’équation n’est toujours pas résolue. Nous avons perdu 10% à la louche. Nous avons récupéré 10%, à louche aussi et pourtant rie n’est réglé. Reste à savoir si nous avons exagéré la panique de début d’année ou si elle était justifiée et ce rebond est complètement débile. La semaine à venir devrait nous donner un début de réponse. Surtout jeudi après-midi.

Ce matin la Chine est en hausse parce que le gouvernement a exprimé sa volonté de mettre en place un plan de relance de la croissance. Shanghai était en hausse de 0.5%, le Japon est dans le rouge et recule de 0.5% et Hong Kong est en hausse de 0.16%. S’il fallait porter un jugement, on dirait que la semaine commence tout doucement. D’ailleurs, pendant ce temps, les futures US sont en baisse de 0.14%, on ne peut pas dire que les indications soient hyper-excitantes.

Dans les autres nouvelles, Moody’s a mis la Russie sur sa liste des « possible downgrade ». Avant au moins ils avaient le courage de dowgrader sans prévenir, mais depuis quelques temps on est passé à la méthode du « j’y vais mais j’ai peur ». Le CFO d’EDF a démissionné. Schaeuble pense que le BREXIT serait un poison économique. Le Barron’s se demande si le « recovery » de ces dernières semaines est « pour de vrai » ou est-ce que ce n’est qu’un Bear Market Rally. Ils publient également la liste des 1’200 meilleurs Advisors des USA et pour terminer, ils se demandent si c’est Trump ou Hillary qui est le mieux pour les investisseurs.Trois semaines pour passer du pire au meilleur - market correction

Côté chiffres économiques, nous aurons le Sentix Investors Confidence en Europe et le Consumer Credit aux USA, pas de quoi se relever la nuit non-plus. Autrement, l’or est à 1260$, l’Euro/$ vaut 1.0994, le yen est 113.71, la Livre vaut 1.4206 et se donne un peu d’air. Le $/Suisse est à 0.9940 et le rendement du 10 ans US est de 1.89% pendant que le Bitcoin vaut 408$ et que l’Euro/Suisse est à 1.0926 malgré la perte abyssale de la BNS.

Pour le reste, il semble évident que l’on va passer la semaine à se demander si l’on est allé trop haut trop vite ou s’il faut simplement continuer à célébrer ce Bull Market et ces 7 dernières années, sachant que depuis le mois de février 2009, on nous raconte que ce « rallye n’est pas possible » pour plein de raisons différentes. Oui, sauf que 7 ans plus tard, on est tout de même monté de 200% et si l’on attend un retour sur les 666 sur le S&P500 pour investir, l’attente risque de durer encore un poil.

2 réponses
  1. Lorenzo Botti
    Lorenzo Botti dit :

    si la BCE doit faire quelque chose de plus efficace, il faut peut-être vaincre la résistance des amis allemands, qui s’opposent à un véritable rôle de la banque centrale dans l’économie.
    le jeu de l’inflation est perdu au début, en continuant sur la route de l’austérité.

  2. jpj
    jpj dit :

    les des sont pipes, il faut être kamikaze et inconscient pour s’aventurer en ce moment. Croire au bon sens des banques centrales c’est comme croire au bon vouloir des politiciens.

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