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Entre pulsar monétaire et supernova obligataire.

Bill Gross s’est penché sur ses bouquins d’histoire et en tire le constat que les taux d’intérêts n’ont jamais été aussi bas que depuis l’époque de la bataille de Marignan : les taux auraient donc atteint leur plancher de 500 ans.

Pour ma part, je me suis juste penché sur les 50 dernières années, celles dont je suis témoin et les taux sont effectivement au plus bas.

Ce n’est pas une vague considération d’ordre général car les rendements de référence « 10 ans » ont effectivement atteint un plancher historique ce vendredi 10 juin au Japon (-0,155%) et en Corée du Sud (1,25%), en Allemagne (0,01%), en Autriche (0,215%), au Danemark (0,265%), en Finlande (0,31%), Lettonie (0,59%)… et les OAT françaises ont retracé leur nadir des 0 ,375% du 5 avril dernier.

Et pendant que la rémunération des divers instruments de dette s’évapore, le périmètre de ces mêmes dettes (ou l’encours si vous préférez) pulvérise ses records historiques sur la planète entière, du Japon à l’Amérique du Nord, en passant par l’Eurozone et le Royaume Uni.

Et Bill Gross de conclure : « Ceci est une supernova qui va exploser un jour ».

 

Le problème c’est qu’une supernova met plusieurs millions d’année à atteindre une taille critique et à l’échelle astronomique il est impossible de déterminer à 5.000 ou 500 ans près quelle sera la date de l’explosion.
C’est une issue inéluctable et rien ne différencie radicalement l’aspect d’une super-géante rouge à 5 minutes ou 50.000 ans de sa désintégration : son enveloppe se dilate démesurément, cherchant à absorber des éléments gazeux (y compris par vaporisation successive du cortège de planètes qui gravite autour) susceptibles de réalimenter son réacteur nucléaire interne à cours de carburant.

A n’importe quel moment, un déséquilibre de la gravité pouvant trouver sa source dans une infinité de causes physiques peut déclencher le processus d’effondrement cataclysmique (réduction du diamètre de l’objet de milliards de kilomètres en quelques heures) puis de rebond explosif sur un noyau surcomprimé avec libération massive de rayons gamma.

Pas plus qu’un astrophysicien, Bill Gross n’est en mesure de déterminer si sa supernova de dette parviendra à gonfler encore 5 jours, 5 semaines, 5 mois ou 5 trimestres !

Quelle est l’unité de temps astronomique qui régit la sphère financière ?

Est-ce qu’une de nos journées boursières équivaut à 1.000 ou 10.000 années de la vie d’un astre moribond ?

 

Avec les « subprime », c’était assez facile à cerner : les emprunteurs se voyaient fixer un délai de 3 ans avant de devoir faire face à des remboursements totalement hors de leurs moyens (il leur fallait songer à revendre leur bien 6 mois avant de devoir commencer à verser le principal et non les seuls intérêts).

Les banques centrales ne sont tenues de se conformer à aucun calendrier: tant que la confiance des détenteurs de dettes équilibre la gravité (flux de liquidités équivalent à la capacité d’absorption du système), la planche à billet peut continuer de tourner à la vitesse d’un pulsar (cela peut atteindre 1.000 rotations par seconde, soit 3,6 millions de fois par heure, 86,4 millions de fois par jour, 2,592 milliards de fois par mois.

Si chaque rotation correspondait à 1E imprimé, il faudrait 32 pulsars pour produire les 80MdsE imprimés chaque mois… ou un pulsar émettant 32.000E par seconde.

Vous le constatez, il s’agit effectivement d’ordres de grandeur astronomiques et cela donne de la consistance à l’argumentation théorique de Bill Gross, mais sans nous fournir d’instrument dévaluation fiable concernant le « timing ».

Il existe cependant une hypothèse que nous pouvons d’emblée exclure : un processus physique de « dégonflement en douceur » de la super-géante obligataire.

La FED tente pourtant de nous faire croire qu’après avoir gonflé son bilan jusqu’à une taille critique de 4.500Mds$ (qu’elle maintient en équilibre en rachetant chaque mois un volume de dettes correspondant à celui venant à échéance) , elle va pouvoir « normaliser » sa politique monétaire et réduire progressivement le périmètre dès que les marchés se seront accoutumés à des taux légèrement plus élevés (ce qui revient à accroître la gravité s’appliquant à un ensemble totalement démesuré et extrêmement instable).

Il faudrait changer les lois de la physique pour qu’un arrêt de l’expansion du crédit ne soit pas suivi par un soudain effondrement, proche de la vitesse de la lumière.

Cette expansion du crédit a permis depuis 2008 de « délivrer » un rendement de 7,5% en moyenne sur l’ensemble des actifs financiers, quand la croissance globale était en moyenne inférieure de moitié.

Mais ce n’est qu’une moyenne : aujourd’hui, plusieurs sources concordantes (Banque Mondiale, OCDE, Bundesbank…) ont revu à la baisse leurs hypothèses de croissance mondiale et un taux de +3% devient une « target » pour laquelle de nombreux économistes signeraient des deux mains.

Les « marchés » (enfin la microminorité de l’humanité qui en détient l’essentiel) continue d’exiger ses 7,5% de « RoE » (return on equity) quand les Etats Unis ne sont capables de n’en délivrer que +2% et l’Europe, +1,6%.

La Chine se retrouve contrainte d’injecter l’équivalent de 10% de son PIB par ans (rythme constaté sur les 5 premiers mois de l’année 2016) en nouveaux instruments de crédit, non pas pour retrouver 10% de croissance, mais simplement pour éviter de retomber sous les +5%…

Et ce n’est pas gagné selon le FMI qui met en garde la communauté financière internationale contre le surendettement des entreprises chinoises (qui atteint 145% du PIB selon ses estimations, sans compter la masse de dettes des collectivités locales, provinciales, plus l’endettement des ménages…).

Aux Etats Unis, l’encours sur les cartes de crédit à la consommation vient de franchir le cap des 1.000Mds$, pulvérisant le précédent record historique de 2008 (984Mds$).

C’est d’autant plus vertigineux qu’il y a bien moins d’américains disposant d’un emploi salarié ou de sources de revenus réguliers (auto-entrepreneur, profession libérale) qu’il y a 8 ans.

Nous pouvons y rajouter également 1.200Mds$ de crédit automobile et probablement plus de 1.250Mds$ de dette étudiante.

Sachant que de surcroit, le prix du mètre carré peut dépasser les 20.000$ dans le centre de Londres (plus que ce que gagnent la plupart des jeunes occupant un emploi de « service » dans la capitale britannique) ou de Shanghai (plusieurs années du salaire d’un plombier ou d’un peintre local ayant participé aux finitions des biens vendus aux « 1% » les plus riches), il n’y a aucune raison de craindre que l’écart entre les prix de l’immobilier des « beaux quartiers » et ce que 99% de la population peut effectivement se payer débouche sur une implosion « à la japonaise » -mais de dimension planétaire- à brève échéance.

Une issue fatale est tellement inéluctable que la FED interdit désormais à Wall Street d’entamer le moindre repli qui laisserait transparaître l’ébauche du commencement d’une perte de confiance dans la stabilité des paramètres physiques de la supernova.

Cela nous donne donc du -0,15% sur le « S&P » la semaine dernière tandis que le VIX qui lui est associé a explosé de +27% en 5 séances, soit une chute symétrique de la confiance.

C’est l’illustration parfaite d’un soudain déséquilibre entre le diamètre apparent de Wall Street (inchangé à l’oeil nu) et la pression interne, qui se met à chuter brusquement.

En astrophysique, cela aurait bien toutes les apparences d’une amorce de réaction en chaine, façon effondrement gravitationnel.

Que la perturbation actuelle dégénère ou qu’elle en reste au stade de simple anomalie quantique ponctuelle, nous savons tous que l’issue de ce processus sera d’une extrême… gravité.

Ph.Béchade

3 réponses
  1. Baya
    Baya dit :

    Merci pour cet excellent article, et surtout, pour oser, encore une fois, montrer du doigt « l’elephant dans la piece » que la presse economique feint avec application de ne pas voir: que va-t-il advenir des monnaies quant l’experience de « relance » monetariste par la dette, initiee par les « neo-Keynesiens » de la Fed, se terminera en cataclysme?

    Le moment de ce cataclysme ne doit pas etre bien loin.
    En plus du tweet de Bill Gross comparant la dette obligataire a une supernova, voir cette declaration extraordinaire de Mervyn King (Banque d;Angleterre), qui conseille a la Chine de prendre ses precautions, dans le cas ou les USA seraient obliges de renier leur dette:
    http://www.gold.org/research/gold-investor?utm_source=google&utm_medium=cpc&utm_content=uk-bs-bmm&utm_campaign=gold-investor-v1-2016&gclid=CMyd1fK0ls0CFRS6GwodNgACfg

    Autres declarations alarmistes, faites par Insight Investment, un fond d’investissement mainstream, filiale de la banque Mellon, qui va jusqu’a predire ce qui remplacere les monnaies lorqu’elles se seront ecroulees: utilisation des DTS du FMI, par exemple.
    http://www.insightinvestment.com/global/documents/thoughtleadership/End-of-the-cycle-or-end-of-an-era.pdf

    La fin de la supernova ne doit pas etre bien loin, qui fait voler en éclat le parler « financierement correct ».

  2. etrading
    etrading dit :

    Bonjour à tous,
    tout le monde à sa théorie sur les raisons de l’explosion prochaine du système mais personne aborde la VRAIE question: Sur quel produit financier faut-il investir pour profiter du futur chaos ?

    Bonne journée

  3. emmanuel
    emmanuel dit :

    To e trading
    Investissez sur les marchands de canons.
    Quoi que la prochaine a toute les chances de ne pas etre conventionnelle.
    Plus serieusement investissez pour assurer l’avenir de vos enfants.
    Et soyez a contre courant de tous ceux qui pensent preserver leur capital investi en detenant du bund allemand.
    Et qui finiront par tout perdre quand la chimere devorera avec un appeti feroce son createur.
    Il n’y a pas de crise.
    Nous ne sommes pas en crise.
    La crise est dans la tete des gens.
    Investissez resoluement sur le long terme a contre courant des joueurs de ce Gigantesque Casino qu’est devenu le Marche.
    Nous ne sommes pas en crise mais en transition entre 2 mondes.
    Et nous devons changer de modele pour une croissance plus relative et le retour a un capitalisme resoluement entreprenariale.
    Investissez dans cette perspective.

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