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Les Conséquences de l’ Election Américaine

Les résultats des élections aux Etats-Unis, la victoire surprise – et contestée par certains – de Donald Trump, ont résonné comme un coup de tonnerre. Au delà de l’effet de surprise, de la défaite – une nouvelle fois – des sondeurs et des journalistes, brefs d’une bonne partie de la « bien-pensance » occidentale, cette victoire n’est pas sans poser de multiples questions.

 

Les raisons de la défaite d’Hillary Clinton

Tout d’abord, qu’est-ce explique la défaite de Mme Hillary Clinton ? Est-ce que les scandales qui ont émaillé la fin de la campagne ont eu un rôle déterminant ? Le bilan du Président Obama était-il aussi bon que l’on a bien voulu le dire ? Une première analyse montre que la candidate du Parti Démocrate n’a pas fait le plein de ses voix, et ce très probablement en raison du positionnement de type « centre-droit » de sa campagne[1]. La brutalité de la campagne interne au Parti Démocrate, lors des « primaires », et l’éviction de Bernie Sanders, ont elles pu avoir un impact sur le résultat du 8 novembre ?

On s’accorde à dire que la victoire de Donald Trump résulte d’une colère de la classe moyenne aux Etats-Unis. Jusqu’à quel point est-ce vrai ? Car, une partie aussi de cette colère s’exprimait – du moins jusqu’aux Primaires démocrates – dans la candidature de Bernie Sanders. Les Etats-Unis sont-ils réellement un pays fracturé entre une minorité contente de son sort et une majorité en colère ? Bref, si la presse américaine amorce une timide autocritique, on doit craindre que celle-ci ne tourne rapidement court. Quant à la presse française, il vaut mieux n’en point parler sur ce sujet car l’on voit bien que les grands médias, ceux que l’on qualifie, certes un peu rapidement, « d’officiels » sont rétifs à la remise en cause de leurs dogmes.

 

Un président mal élu ?

S’ajoute à ces interrogations celles qui portent – par méconnaissance – sur les institutions des Etats-Unis. On prétend alors que Donald Trump aurait été « mal élu » et l’on s’étonne du long processus de recomptage des voix, mais aussi des multiples requêtes et contre-requêtes en annulation auquel le scrutin donne lieu. On oublie qu’en même temps que l’élection présidentielle se déroulaient de multiples autres scrutins, du Sénat aux Représentants, sans oublier les Shériffs… Les français, en particulier, découvrent que dans un Etat fédéral il importe autant d’être le vainqueur sur la plus grande partie du territoire (les Etats) que de remporter l’élection en chiffres absolus. Pourtant, une étude de l’histoire des Etats-Unis montre la logique de ce système, une fois que l’on a admis la nature fédérale de son organisation. On peut ajouter que le principe « le vainqueur prend tout » qui préside au choix des grands électeurs tend à décourager des électeurs qui savent, par expérience, que leur Etat vote, soit démocrate, soit républicain. Dans le cas de la Californie, où le résultat (pour Clinton) était acquis de longue date, au point que Trump n’y a pratiquement pas fait campagne, qui peut démontrer que les électeurs du parti républicain n’ont pas été démobilisés par ce système et ne sont pas allés voter ? De même, il n’est pas dit que si l’élection s’était jouée comme dans le modèle français, au nombre absolu de voix et à deux tours, le résultat aurait été différent. En effet, si Hillary Clinton mène au nombre de voix d’environ 800 000 suffrages, les candidats indépendants (et leurs électeurs) auraient pesés dans un hypothétique second tour. Si l’on peut penser qu’une bonne partie des électeurs (1,2 millions) de Mme Stein (le parti des « Verts » américains) se serait reportée sur Hillary Clinton, on peut aussi penser qu’une large partie des 4 millions de suffrages de Johnson, le candidat dit « libertariens » et qui partage nombre de points de vue avec Trump se serait reportée sur Donald Trump. On le voit, si l’on veut changer les règles du jeu il faut les changer absolument, et il est loin d’être sûr que le résultats aurait été très différent de ce qu’il est aujourd’hui.

 

Quels choix économiques pour Donald Trump ?

Au-delà de ces questions, c’est la politique de mènera Donald Trump qui suscite actuellement le plus d’interrogations. Et ces interrogations sont fondées. Quelles seront ses premières décisions, qu’il s’agisse des règles commerciales internationales, et en particulier du TAFTA, ou qu’il s’agisse de la réglementation du secteur bancaire ou du traitement qu’il réservera aux clandestins, dont on sait qu’ils jouent un rôle important dans l’économie américaine, surtout pour faire baisser les coûts salariaux dans les secteurs où le salaire est une importante variable de la compétitivité, comme dans la grande distribution, la restauration ou encore la construction voire une partie de l’agriculture ? A cet égard, la politique de Donald Trump peut avantager certains secteurs de l’économie mais en désavantager d’autres. De même le Président élu, mais non encore entré en fonction, s’est engagé – suivant ses propres mots – à reconstruire les Etats-Unis. Et, reconnaissons le, ce pays en a besoin. Ses routes, ses ponts, ses infrastructures en général souffrent de la politique qui fut menée depuis près de vingt-cinq ans. Mais, cela implique une politique budgétaire expansionniste quand, dans le même temps, le candidat Donald Trump s’est engagé à réduire les impôts. Est-ce à dire qu’il faut s’attendre, au moins pour un des deux premiers budgets de sa mandature, à un très fort déficit budgétaire ? Est-ce aussi à dire qu’il obtiendra sur ce point l’appui du Congrès, quand on sait que ses relations avec la classe politique américaine sont loin d’être bonnes ? Quelles en seront les conséquences sur les taux d’intérêts, sur le marché obligataire ? Il est clair qu’il y aura des gagnants et des perdants avec la politique de Donald Trump. On ne doit pas sous-estimer les conséquences distributives des réformes que propose Donald Trump.

 

Les répercussions internationales

On voit donc l’ampleur de ces interrogations. D’autant que certaines des possibles conséquences des premières mesures qui seront annoncées par Donald Trump à la suite de son inauguration en janvier peuvent avoir des répercussions importantes sur l’économie mondiale. Un très fort déficit budgétaire pourrait contraindre la réserve fédérale, la Fed comme on la nomme, de remonter ses taux, entrainant un choc haussier sur le dollar. Et ce d’autant plus que Donald Trump a déclaré vouloir rééquilibrer le commerce extérieur des Etats-Unis, annuler ou renégocier – ce qui en l’occurrence – revient au même certains traités commerciaux, dont le fameux TAFTA.

Les Etats-Unis sont toujours une puissance économique importante dans le monde, même s’ils ont été dépassés en termes de PIB par la Chine, et un changement d’ampleur de stratégie économique ne peut pas ne pas avoir des conséquences, en bien ou en mal, sur les autres pays. Certaines de ces conséquences se combineront avec les effets du tournant que Donald Trump veut faire prendre à la politique étrangère des Etats-Unis. Il souhaite, mais on attend ses premières décisions, faire baisser la tension actuelle avec la Russie et prendre ses distances vis-à-vis d’une politique américaine au Moyen-Orient qui, on le sait, a surtout été marquée par ses ambiguïtés. De ce point de vue, le choix probable du Général Michael Flynn, ancien directeur de 2012 à 2014 de la Defense Intelligence Agency[2], comme conseiller à la Sécurité Nationale laisse à penser que l’on s’oriente vers une politique américaine plus réaliste et plus ouverte à un accord avec la Russie. Michael Flynn va d’ores et déjà occuper l’un des cinq postes dans l’équipe de transition mise en place par Donald Trump[3].

On constate alors qu’il ne peut et qu’il n’y aura pas de réponse commune de l’Union européenne[4], et tout simplement parce que cette union n’en est pas une et que trop d’intérêts divergents s’y opposent. Il est grand temps d’en tirer les leçons qui s’imposent. La France aurait tout à gagner à retrouver ici sa souveraineté et sa capacité de décision, hors du carcan de l’UE.

 

Notes

[1] http://actu.orange.fr/politique/jean-luc-melenchon-taille-un-costard-a-hillary-clinton-magic-CNT000000xax4T.html

[2] http://www.politico.com/magazine/story/2016/10/how-mike-flynn-became-americas-angriest-general-214362

[3] http://edition.cnn.com/2016/11/11/opinions/trumps-national-security-guru-general-flynn-bergen/

[4] http://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/0211490610626-leurope-deboussolee-tente-de-faire-front-commun-2042332.php

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