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Petit tour d’horizon décontracté de la « nouvelle normalité ».

Ce lundi 30 octobre a permis au Dow Jones de battre un nouveau record : il ne s’agit pas d’un nouveau plus haut absolu (privilège réservé au Nasdaq-100 en clôture et au « Composite » en intraday) mais celui de la plus longue série de séances (51) de l’histoire sans la moindre consolidation supérieure à 1%.
La belle histoire ne s’arrête pas là puisque ce même Dow Jones vient de boucler sa 39ème séance de trading consécutive sans le moindre retracement supérieur à… -0,5%.
Et la soirée d’Halloween devrait lui permettre d’en inscrire une 40ème… rugissante !

Mais si vous n’êtes pas impressionné, amusez vous à superposer le profil graphique des 51 dernières séances sur le S&P500 et celui des 51 dernières semaines: c’est un véritable « copier/coller » !

Bon, c’est peut-être un simple hasard et vous n’êtes pas convaincu que les « algos » bégayent le même scénario… alors sélectionnez les 102 derniers mois (2 fois 51) depuis l’origine du mouvement haussier et comparez l’inclinaison du canal sur les 3 unités de temps… la concordance est assez saisissante !

Et si les « vagues » ne concordent pas aussi parfaitement que dans le scénario weekly/hebdo à cause du double creux de septembre 2015/février 2016… la « pente » sur 8 ans et demi reste identique, et le décompte des vagues de hausse repose sur la même structure fractale.

Cette identité tendrait à prouver que les mêmes ressorts psychologiques sont à l’oeuvre… à moins qu’il ne s’agisse justement d’une absence de « ressorts psychologiques » et de la répétition de schémas préprogrammés, incapables de faire autre chose que s’auto-répliquer à l’infini.

Mais qui pourrait oser conclure que « quelque chose » aurait remplacé la « psychologie humaine » et rendrait absurde l’étude des indices US sous l’angle de l’analyse comportementale ?

A aucune époque, en aucune circonstance, aucun indice boursier, sectoriel, obligataire, ou adossé à des « commodities » n’a jamais aligné 245 séances (51 semaines moins 8 jours fériés) sans enregistrer un « drawdown » de -3% sur une semaine, 1 mois ou un trimestre… mais le « S&P » l’a fait.

Cela fait même 21 mois que les opérateurs n’ont eu aucune occasion de « payer » un repli de -5% : l’impératif « buy the dips » est tellement systématisé que depuis le 18 août dernier, un « creux », c’est -0,3%.

Les « permabulls » auront beau jeu d’invoquer la croissance « robuste, durable et désormais synchrone ».

Une croissance de +3,6% à l’échelle mondiale, de +3% aux Etats Unis au 3ème trimestre (une pure fiction statistique), de +2% en Europe (rehaussée de +0,1% tous les mois depuis mai dernier) et qui serait désormais sur ses 2 jambes et prête à se passer de ses béquilles monétaires.

La béquille de la BCE va effectivement voir son diamètre réduit de moitié (cela ressemblera plus à une baguette de bambou qu’à une solide canne en acajou) mais celle de la BOJ va demeurer aussi large que la lame d’un katana.

Mais pour l’heure, la BCE a déjà injecté 830MdsE, la banque centrale du Japon l’équivalent de 720Mds$ (80.000Mds de Yen), les Etats Unis auront créé 800Mds$ de monnaie-dette d’ici le 31 décembre : cela nous fait au total 2.350Mds$.
C’est un peu moins de 3% des 77.000Mds$ du PIB mondial attendu en 2017… mais il n’y a pas que les « QE » et le complement des déficits US par émission de bons du Trésor : il y a aussi les injections de crédit.

Et celles de la PBOC depuis le 1er janvier excèdent tout ce que le monde a jamais connu depuis un siècle, les divers « TARP », TLTRO, OMO (« outright monetary offering », ou argent à gogo, y’a qu’à se servir) post-crise de 2008 sont ravalés au rang de saupoudrage en regard de la panoplie de soutiens monétaires ou réglementaires déployée par la Chine en 2017.

Le montant donne le vertige : il s’agit de 4.000Mds$, dont 125Mds d’équivalent Dollar en une seule semaine, rien que pour accompagner l’inauguration du 19ème plenum du Parti communiste, qui vient de se doter d’un nouveau Président (et non d’un simple fonctionnaire ayant titre de « 1er secrétaire » comme c’était le cas depuis Deng Xiao Ping).

Et là, l’offre d’argent « extrait de l’air ambiant » à l’échelle planétaire s’établit à 6.350Mds$, rien que sur les 10 premier mois de l’année, et cela dépasserait au rythme actuel les 7.400Mds$ d’ici la fin de l’année… soit environ 10% du PIB mondial.

Il est donc imprimé 3 billets de monopoly (dont 2 Yuan) pour générer 1$ de PIB supplémentaire : jusqu’où cette folie va t’elle pouvoir être poursuivie ?

La réponse est « très longtemps » puisque plus la fuite en avant s’intensifie, plus il devient nécessaire -et vital- de repousser l’échéance.

Heureusement, les « faiseurs d’opinion » peuvent jouer la carte des profits historiques des entreprises US (en omettant de préciser que ces derniers seront dopés par le rachat de 600Mds$ de leurs propres titres).
Car les généreux dividendes versés justifient naturellement de se désintéresser des T-Bonds US qui ne rapportent que… 2,40%.

Voyons donc quelles sont les actions « cornes d’abondance » les plus prisées des opérateurs en 2017 : avec +90%, Nvidia mène la course en tête au sein du Nasdaq… mais offre un rendement de 0,3% (tiens, bizarre, c’est 8 fois moins qu’un T-Bond 2027).

On trouve ensuite Netflix avec +61%… qui ne fait que des pertes et ne distribue naturellement aucun dividende (le PER est de 160).
En N°3, on trouve tesla avec +50% de hausse et qui tout comme Netflix ne distribuent pas un cent à ses actionnaires.

Amazon talonne Tesla avec +48% mais question dividende… c’est loin d’être un géant de la distribution.
Mais il ne faut pas se plaindre, après 3 révisions à la baisse cette année, certains investisseurs ont pu craindre que les résultats du 3ème trimestre ne ressortent négatifs.
Mais ô prodige, les profits d’Amazon s’élèvent à 256Mns$, soit 0,52$/titre, au lieu des 0,30$ attendus, ce qui offre un rendement vertigineux de… 0,05% (compte tenu d’un cours de 1.120$ inscrit le lundi 30 en début de séance).

Amazon affiche désormais 540Mds$ de capitalisation, soit plus de 2 fois celle du N°2 du secteur, Wal Mart (260Mds$).

En réalité, depuis le 30 octobre, Amazon affiche une capitalisation supérieure à la totalité de celle de ses concurrents du secteur distribution côté sur le « S&P00 » (Home Depot, le N° 3 pèse 195Mds$, Target 33Mds$, Dollar Tree vaut 22Mds$, Best Buy 16Mds$, Macy’s plonge sous 6Mds$ de capi (Nordstrom en affiche encore 6,5Mds$), JC-Penney vaut moins d’1Md$, Sears 0,6Mds$ auxquels nous rajoutons +les 260Mds de Wal-Mart, soit péniblement 540Mds$).

Voici une réjouissant exemple de la « nouvelle normalité » : les 4 titres ayant affiché la plus forte hausse annuelle au sein du Nasdaq-100 et qu’il faut ab-so-lu-ment détenir en portefeuille (sinon, adieu le « benchmark ») parce que de toute façon, rien ne rémunère mieux que les actions… ne rapportent en fait rien à leurs détenteurs : la totalité des dividendes ne paye même pas les frais d’acquisition chez un courtier « discount ».

Plus fort encore, Amazon a précipité dans l’enfer de la faillite la moitié des distributeurs « classiques » qui versaient du temps de leur splendeur des dividendes assurant entre 2 et 2,5% de rendement (seul Wal Mart et Home Depot y parviennent encore, Dollar Tree, Best Buy et Nordstrom sont encore bénéficiaires mais ne distribuent rien à leurs actionnaires).

Autrement dit, Amazon qui se paye 120 fois les bénéfices ne rémunère pas ses actionnaires mais fait disparaître la moitié de ses concurrents qui distribuaient des dividendes.

J’ai parfois un peu de mal à saisir de quel genre de rendement il est question quand des stratèges me font l’apologie des stars du Nasdaq de l’année 2017 (point commun : dividende microscopique ou carrément inexistant), lesquelles surfent sur une croissance mondiale auto-entretenue… par des liquidités 3 fois plus considérables que ne l’est la hausse réelle du PIB.

La « nouvelle normalité » de 2017 est la plus orwellienne qui se puisse concevoir : « la dette, c’est la prospérité », « la non-rémunération, c’est l’abondance », « l’aveuglement, c’est la clairvoyance ».

Ph.Béchade

2 réponses
  1. Bilbo
    Bilbo dit :

    Bonjour,

    concernant Amazon, il manque un élément potentiellement important à la grille de lecture qu’on doit y apposer : son patron, Jeff Bezos, est devenu grâce au parcours boursier de la société l’homme le plus riche du monde, détrônant ainsi Bill Gates. Il ne s’agit plus tant d’acheter l’entreprise dont la rentabilité est effectivement ridicule, mais de courtiser son influent patron (également détenteur du Washington Post).
    Cordialement.

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