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Réconcilier l’industrie automobile et le climat : mission impossible ?

Conseiller auprès de France Stratégie, Nicolas Meilhan a rédigé un rapport sur les politiques industrielles en France. Championne de la relance de la demande, la France ne fait qu’aggraver son déficit commercial avec les véhicules électriques ou hybrides rechargeables, produits hors du territoire

J.A. : Vous êtes à l’origine du concept de malus au poids, qui a été adopté par l’Assemblée nationale dans la loi de finances 2021. Êtes-vous satisfait de cette adoption et cette mesure est-elle conforme à votre proposition ?

Nicolas Meilhan : La mesure n’a plus grand-chose à voir avec ma proposition initiale. D’ailleurs, ce n’était pas une taxe de plus mais un système intégralement redistributif. Tout est parti d’un rapport rédigé pour France Stratégie publié en juin 2019, dont l’objectif était de faire des propositions pour réduire les émissions de CO2 des véhicules neufs qui repartaient à hausse. L’une d’elles était d’encourager des constructeurs à produire des voitures plus petites avec un système de bonus-malus sur le poids.

J.A. : Quel était le concept ?

N.M. : En 2020, le poids moyen des voitures neuves en Europe est 1 380 kg. Si pour Peugeot, il atteint 1 200 kg, la commission aurait versé un bonus de 10 € par kilo en moins soit 1 800 € par voiture. Si celui de BMW est noté à 1 500 kg, ce dernier aurait payé un malus à Bruxelles selon le même principe. Cela aurait permis de traiter le problème qu’aujourd’hui la marge sur la vente d’une voiture est proportionnelle à son poids. Cela encourage le constructeur à faire des voitures plus lourdes. 

J.A. : Que faudrait-il modifier pour que les émissions de CO2 baissent réellement ?

N.M. : Il faudrait que le monde politique sorte de sa tour d’ivoire et qu’une aide réelle soit apportée pour réorienter le marché vers des voitures plus légères et éventuellement après de les électrifier. L’urgent, puisque nous n’allons pas vendre que des voitures électriques pour l’instant, serait d’instaurer un bonus sur les véhicules thermiques. Mais en France, on oppose toujours deux mondes : l’environnement et l’automobile. 

J.A. : Votre dernier rapport sur les politiques industrielles en France, notamment dans l’automobile est assez sévère. Y-a-t-il une vision industrielle dans le pays actuellement ?

N.M.: La dernière politique industrielle de la France remonte aux années 90. Depuis, il faut bien le reconnaître, nous sommes plutôt les champions du monde de la relance de la demande. Lorsque les voitures étaient produites en France, cela a permis de sauver beaucoup d’emplois. Mais aujourd’hui, c’est évidemment plus compliqué. Et à chaque nouvelle politique de relance de la demande, on aggrave notre déficit commercial. La majorité des véhicules électriques sont importés, tout comme les hybrides rechargeables. 

J.A. : Mais proposer des bonus pour les véhicules plus légers résoudra-t-il le problème de la délocalisation de la production hors de France ?

N.M. : En schématisant, la question est comment faire pour produire la Dacia Spring en France ? Malheureusement instaurer un bonus au poids lié à une production française n’est pas compatible avec les traités européens. En revanche, il faut éviter de faire ce que l’on fait depuis 20 ans c’est-à-dire de subventionner l’industrie chinoise, et de conditionner ces offres au contenu carbone de la production d’électricité et il se trouve que la France sur ce sujet, a une avance même. Nous avons en même temps l’électricité la plus décarbonée au monde et l’industrie la plus délocalisée au monde. La France, malgré un certain nombre de défauts comme la gestion des déchets du nucléaire, devrait être une base de la production européenne et championne du monde de la fabrication des petites voitures électriques.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien avec Nicolas Meilhan dans le numéro du Journal de l’Automobile N°1292, daté de janvier 2021 et réservé à nos abonnés.

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