BFM du 1 avril 2015 – Rythmes paraboliques
Rythmes paraboliques – Philippe Béchade VS Bruno Fine
Les taux longs allemands ont été divisés par 3 au premier trimestre. Les taux longs italiens sont eux passés de 1.95 à 1.2 (ce qui représente une pente moyenne de 7%) : « ce n’est pas tenable. » Si on continue ainsi en Allemagne, Philippe Béchade a calculé que les rendements seraient négatifs sur le 10 ans le 20 mai.
« Avec les banques centrales plus rien n’est impossible. »
Aux Etats-Unis, 85% des boites du s&p500 ont revu à la baisse leurs perspectives. Les raisons de ce phénomène est simple et existe depuis 2014 : « les boites [ont] une trouille bleue de décevoir parce qu’on sait qu’on est dans une bulle et que le moindre résultat peu satisfaisant est immédiatement sanctionné par des chutes abyssales. Donc on veut à tout pris prévenir un effet de déception. » Au final « 78% ont fait mieux que prévu » en 2014 donc il y a une « sorte de psychologie de bulle » : on sait que les cours sont trop chers, donc on ne veut pas qu’il y ait un accident.
Pour Bruno Fine en revanche, on est sur des « sous-jacents plus forts » pour les entreprises. A l’aube de 2008 : 30% de valeurs étaient considérées comme attractives sur les 2000 disponibles et elles ont monté à 40%. Néanmoins il faut faire attention car il peut y avoir une « illusion […] d’une prime de risque sympathique » : « les taux ayant baissés, on a l’impression que la rémunération des actions est bien meilleure donc que le marché n’est pas si cher que ça. »
Les performances des entreprises sont-elles alignées sur les performances des marchés ?
Pour Philippe Béchade le non est catégorique. « On pensait être en début d’année sur une pente d’amélioration de +10% des bénéfices. On a révisé ça à +15%, corrigé de l’effet euro, ce qui est purement mécanique, ça ne veut pas dire que les boites vendent plus […] Les actions sont parties sur une pente annuelle de croissance de 80% [par an]. »
« On est sur des rythmes paraboliques. »
« Cela fait 4 ans que le CAC40 progresse sur l’anticipation que ça ira mieux que l’année dernière et depuis 4 ans si on prend le CAC40 Global Return, à niveau de distribution de bénéfices égal, puisqu’on distribue à peu près autant de bénéfices en 2014 qu’en 2010, le CAC 40 Global Return a doublé ! Les bénéfices n’ont pas progressé. Je dirais même mieux, ce n’est pas la masse des bénéfices qui a augmenté c’est le taux de distribution, la générosité des entreprises, qui a augmenté on gagne moins mais on donne plus. »
« Donc autrement dit on a un marché qui a doublé pour un niveau de bénéfices égal qui heureusement remonte un peu. Donc ça veut bien dire qu’il n’y a aucune corrélation entre la progression des bénéfices et la progression des cours. C’est le pur effet de flux. »
Pour Bruno Fine, il y a sur longue période pourtant une adéquation, malgré qu’elle ne soit permise que par « 30 à 40% » des entreprises : « Je m’explique, la création de valeur se fait sur une duration qui est de 5-7 ans. Ce n’est pas un slogan AMF, c’est un slogan réel. »
Quels sont les risques qui demeurent et qui pourraient impacter le cycle haussier des actions européennes ?
Pour Bruno Fine il y a deux choses : une correction des marchés américains des suites de l’impact de la hausse du dollar et un facteur géopolitique lié à la Russie.
Pour notre Econoclaste, les risques sont multiples et il est donc très difficile de répondre à la question. Si l’on prend l’exemple du Japon qui a bénéficié il y a déjà longtemps d’un QE : donc a eu une monnaie faible avant les autres et a vu le prix des matières premières et le prix du pétrole baisser : « exactement tout ce qu’on voit arriver en Europe, notre alignement des planètes »; et bien on a une baisse de la production industrielle, on n’a pas de croissance de la consommation et on n’a pas d’inflation. »
Pour les Etats-Unis, qui ont aussi bénéficié d’un alignement des planètes, la croissance a été de 2.5-3% mais que la moitié a été réalisé par les dépenses (santé et armement).
« Les Quantitative Easing ont fait exploser les valorisations boursières mais les effets réels sur l’économie sont très faibles »
Ainsi, les QE japonais et américains n’ont pas relancé la croissance… Donc pourquoi cela serait-il différent en Europe ?
Que se passe-t-il alors dans ces cas là ?
Et bien on assiste à ce qu’il s’est passé aux Etats-Unis avec 815 milliards de fusion-acquisitions au premier trimestre 2015, ce qui est un record absolu puisque l’année record était 2007 et qu’on en est déjà presque à la moitié.
« Ca veut dire qu’il y a une fuite en avant des entreprises américaines puisque le marché ne croit pas plus que le pouvoir d’achat global »
Rédigé par Raphaël Becanne
D’une pertinence à toute épreuve! Philippe nous à encore offert sa vision sans langue de bois.
Mr. Fine à été mis au tapis, contraint de nuancer son propos en faveur de l’analyse de Philippe. Remarquable!
Il est très dur de contredire les faits sans être de mauvaise foi.