BFM du 29 juillet 2015 – Béquilles monétaires

Philippe_bechade

Béquilles monétaires : Philippe Béchade VS Cyriaque Dailland

Le marché action américain est « assez contrasté » en ce moment, avec de fortes variations entre les différents titres liées aux résultats des entreprises qui sont tombés. « Les sociétés européennes s’en tirent finalement mieux » d’après Philippe Béchade grâce à un effet de base positif lié à la paire euro-dollar et de meilleurs résultats concernant les chiffres d’affaires.

Les Etats-Unis, qui ont développé « un système pour masquer la vraie réalité » en sortant systématiquement des prévisions de résultats pour les entreprises inférieures à ce que ces résultats devraient être, voient donc des sur-performances d’entreprises presque partout (74%). Toutefois, ces résultats sont quand même en baisse de 3% par rapport à l’année précédente. Ainsi, en vendant des analyses pessimistes et en créant de bonnes surprises, le pays de l’Oncle Sam espère masquer son ralentissement économique.

« Tout ceci est un vaste enfumage. […] L’économie américaine est loin d’afficher les performances que l’on suppose au vue des bénéfices distribués. » 

Pour Cyriaque Dailland, il est plus facile pour les entreprises européennes de surprendre positivement que leurs concurrentes américaines car depuis 4 ans, les entreprises américaines délivrent de meilleurs résultats que les entreprises européennes qui n’ont cessé de décevoir.

Concernant la liquidité des marchés, cette dernière est réduite en cette période estivale, mais certains titres peuvent subir des mouvements brusques. Cela s’explique, selon le président des Econoclastes par la mise en route des « robots » gérés par des algorithmes de trading qui s’emballent à la recherche de profit générée par des débuts de transactions sur ces titres. Les gérants de portefeuilles eux, « ne font pas grand chose ».

Le secteur de l’énergie aux Etats-Unis a lui montré d’importants signes de faiblesse, comme l’avaient prédit nos Econoclastes (J. Sapir, O. Delamarche ou encore B. Louvet) avec des entreprises américaines montrant des pertes colossales. Dans « le secteur pétrolier, on voit aujourd’hui qu’on produit à perte pratiquement partout. »

Le secteur de l’immobilier fait quant à lui une bonne année car « on constate que dans un soucis de diversification, les riches et ultra-riches essayent de sortir des marchés obligataires, etc. » afin de louer des biens qu’ils viennent d’acquérir pour avoir des rendements supérieurs aux actions et obligations. Cela se traduit par un taux de propriété de 63%, qui « est le plus mauvais chiffre depuis 1967. »

« C’est la première fois que 7 ans après [une crise], on n’a pas d’embellie » du marché immobilier.

Aujourd’hui, explique Philippe Béchade, la vraie crainte de la classe moyenne américaine est « de perdre son boulot » -et non pas un nouveau 11 septembre ou Vietnam- « parce que quand on perd son boulot aux Etats-Unis, on n’en retrouve pas. »

Pour Cyriaque Dailland, les Etats-Unis ont une croissance plus forte que les pays européens. Toutefois il rejoint l’Econoclaste Philippe Béchade sur le fait qu’on « a cassé le consommateur américain avec cette crise de 2008. » Ce dernier, ne consomme plus autant qu’avant et ce, malgré la baisse du pétrole. Il préfère épargner ou se désendetter.

Bien que la classe moyenne américaine ait beaucoup souffert, Cyriaque Dailland pense que la situation aux Etats-Unis n’est pas aussi catastrophique que l’exigeraient des taux aussi bas, et c’est pourquoi il faut que la FED redresse ses taux directeurs. Il faut que la FED regagne de la marge de manœuvre, même si ce n’est pas dès septembre : « On est au même niveau que la BCE alors que la situation n’est pas la même. »

Philippe Béchade est d’accord sur ce point de vue, mais surtout considère que « la FED ne peut pas se dédire. Ce serait le pire des scénarios. » Cependant, l’élément central n’est pas cette hausse des taux de 0,5% qui serait dérisoire, mais la prolongation d’achats de titres à hauteur de 450 à 500 milliards de dollars, maintenant le bilan de la FED dans ses plus hauts, pour soutenir l’économie. Au final, « le jour où les choses se normaliseront, c’est le jour où la FED normalisera son bilan, et ce n’est pas demain la veille. »

« Les marchés financiers ne continuent de fonctionner que grâce aux béquilles monétaires des banques centrales. »

L’interlocuteur du président des Econoclastes est d’accord avec lui, le point d’inflexion sera le moment de la réduction du bilan de la Banque Centrale américaine. En attendant, l’augmentation des liquidités mondiales à cause des politiques des Banques Centrales japonaise et européenne ne font qu’augmenter la valeur des actifs risqués.

Rédigé par Raphaël Becanne

4 réponses
  1. Zylo
    Zylo dit :

    Bonjour,
    Est-ce qu’il ne faudrait pas recontextualiser les écarts de dynamique démographique lorsqu’on fait des comparaisons de croissance entre pays ?
    Intuitivement, il me semble qu’il y a une relation entre croissance démographique et croissance économique.
    Ainsi les USA avec une croissance démographique de 0,7% (hors immigration illégale…) auraient un avantage de base de 0,4% versus l’europe et son taux de croissance démographique à 0,3%.
    Qu’en pensez-vous ?

  2. Les Econoclastes
    Les Econoclastes dit :

    @Zylo

    Effectivement, il est important en économie de prendre en compte le facteur démographique, notamment au niveau de la croissance. L’indicateur du potentiel de croissance permet de le faire.
    Nous vous invitons à visionner la première partie de la conférence de Lille (http://leseconoclastes.fr/2015/05/croissance-evolution-et-marches-financiers-conference-de-lille/) où nos Econoclastes Pierre Sabatier et Olivier Delamarche expliquent les mécanismes de la croissance. Ils mettent très bien en lumière l’impact démographique dedans.

    Les Econoclastes

  3. Zylo
    Zylo dit :

    Bonjour,
    Conférence très intéressante, merci pour le lien, la sortie de la vidéo m’avait échappé.

    Il est un peu dommage que des conférences ou des articles de fond/de référence soient noyés dans les interviews hebdomadaires plutôt conjoncturelles et dont l’intérêt dépend fortement des interviewers (« Philippe, les marges qui augmentent, c’est bon pour les entreprises ? » (c) G. Sommers)
    Est-ce qu’une catégorie « Référence » ne pourrait pas être intéressante pour trier ce genre de publications vidéo, ainsi que toute publication concernant les fondamentaux et pas des réflexions conjoncturelles, des liens vers les sites où trouver des données officielles,… ? Cela pourrait être un point de départ pour les nouveaux lecteurs, pour qu’ils puissent appréhender le cadre de réflexion qui est le vôtre ?
    Cdlt,

  4. Les Econoclastes
    Les Econoclastes dit :

    @Zylo

    Merci pour ces réflexions. Nous envisageons effectivement quelques modifications pour le site et votre avis nous permet de renforcer certaines propositions qui ont déjà été soulevées au sein des Econoclastes. Nous venons de rajouter une catégorie propre aux vidéos des conférences que vous pouvez retrouver dans le menu conférence du site.

    N’hésitez pas à continuer de nous faire part de vos idées.

    Les Econoclastes

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