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Devenons les champions du monde de la voiture à 500 kg

Entretien de Nicolas Meilhan avec Atterrissage, le blog qui explore comment empêcher le crash de notre société, sur la mobilité dans un monde contraint en énergie.

De plus en plus de voix émettent l’idée que nous allons au-devant d’un effondrement. D’après toi, est-il possible de l’éviter ? Si oui, que fait-on dans le domaine des transports ?

A titre personnel, je pense que nous avons besoin d’un choc, donc d’une forme d’effondrement pour réagir. Les gens au pouvoir, les élus, les banquiers centraux, les patrons de multinationales ont bien trop intérêt à ce que le système actuel perdure pour faire tourner le paquebot.

Comme l’anticipait le club de Rome, nous connaîtrons donc un effondrement d’ici 2030. Entre 2020 et 2030, peut-être avant. Une fois que cet effondrement se sera produit, il faudra construire autre chose. C’est pour cela que c’est intéressant d’anticiper, pas pour changer le cours des événements mais pour être prêt le jour où cela se produira.

Cuba a connu une forme d’effondrement après la chute du bloc soviétique. Du jour au lendemain, leur approvisionnement en pétrole a chuté de moitié. Qu’ont-ils fait ?

De manière très pragmatique, ils ont arrêté d’importer de nouvelles voitures. A la place, ils ont importé près d’un million de vélos venant de Chine. Ils ont également transformé leurs semi-remorques en bus pour les transports en commun. Globalement, ils ont permis à la population de continuer à se déplacer mais avec une consommation énergétique par personne fortement réduite.

Semi-remorque transformé en bus à Cuba

Avec la contrainte qui va arriver sur l’énergie, notamment le pétrole qui représente 95% de l’énergie des transports, il va falloir sérieusement réfléchir là-dessus.

Du coup, comment fait-on pour réduire la consommation de pétrole par personne en France dans les transports ?

Premièrement, on priorise les usages du pétrole.

Pour les avions, cela va être compliqué de faire un avion électrique. En général sur le transport longue distance, l’avion, le bateau, le camion ou la voiture, on ne remplacera jamais le pétrole car son rapport énergie sur poids est imbattable.

En ville par contre, il faut mettre fin à la voiture individuelle. Il y a tellement d’alternatives (vélo, transport en commun, covoiturage) que c’est vraiment un usage qui doit disparaître.

Mais plus que le pétrole, c’est la consommation d’énergie globale par personne qui doit baisser. Or, c’est la tendance inverse que l’on observe chez certains constructeurs automobiles, Tesla en tête.

Quel est le problème avec Tesla ?

Pour proposer une autonomie élevée, se rapprochant le plus possible d’un véhicule à pétrole, Tesla s’est concentré le développement de voitures munies d’énormes batteries (~80 kWh). Le problème ? Ce sont de véritables tanks qui dépassent les 2 tonnes (ndlr même une grande berline à pétrole n’excède en général pas 1.5 tonne).

Imité par les Allemands qui n’ont pas supporté qu’un Américain pouvait leur “apprendre la vie” sur les voitures de luxe, c’est une des grandes tendances de l’industrie.

En plus de consommer plus d’énergie pour effectuer les mêmes déplacements (qui dans leur grande majorité font moins de 50 km), cette approche possède de nombreux autres inconvénients.

Tout d’abord, elle déplace une contrainte sur des ressources fossiles vers une contrainte sur des ressources métalliques (du lithium mais surtout du cobalt, un métal produit notamment au Congo dans de très mauvaises conditions).

Ensuite, le mix électrique mondial étant majoritairement fossile (charbon, gaz), une Tesla va émettre, en ordre de grandeur, sur toute sa durée de vie (production et recharges des batteries) plus de CO2 qu’une voiture à pétrole de moindre tonnage. Elle ne permet donc absolument pas de lutter contre le réchauffement climatique.

Pour moi, Tesla c’est une bulle qui ne va pas durer.

Le parallèle que j’aime souvent faire, c’est avec l’industrie du pétrole de schiste. Tant que ces gens ont accès à de l’argent illimité, tant que Wall Street paie les actions ou, plus récemment, les obligations qu’ils émettent, il n’y a pas de problème. Le jour où ils doivent passer à la caisse, ce sera plus compliqué.

Ils ont commencé à annoncer qu’ils ne réaliseraient pas l’objectif des 500 000 voitures en 2018 en expliquant que ce n’était pas de leur faute et qu’entre-guillemets, “ce n’était pas si grave”. Mais l’année prochaine, cela va sûrement être beaucoup plus tendu.

Si Tesla ne représente pas la bonne approche pour transformer les transports, quelle serait la bonne approche ?

Comme évoqué précédemment, les voitures électriques ne sont pas du tout adaptées aux longues distances.

Si on se focalise sur les courtes distances, les trajets journaliers qui représentent en général moins de 50 km, la batterie n’a pas besoin de faire 80 kWh. 10 kWh suffisent et la voiture peut au final peser moins de 500 kg.

C’est ce qu’on appelle un quadricycle électrique.

En gros, c’est une sorte de “Twizy” ou de smart électrique mais sans permis. En Chine, bien que ces voitures ne soient pas subventionnées, elles ne sont pas chères et se vendent actuellement comme des petits pains. Quand ils doivent faire de la longue distance, ils prennent les transports en commun, le train, le bus ou ils louent des voitures thermiques à un loueur professionnel ou leur voisin.

On pourrait tout à fait imaginer la même chose en France. Voilà ce que serait pour moi une approche intelligente du véhicule électrique.

D’un côté, on réduit la pollution de l’air, un problème critique pour les villes particulièrement en Chine. De l’autre, on diminue la consommation énergétique par personne et les émissions de CO2.

Le proxy que j’aime bien utiliser en général, c’est la “masse de ferraille” que tu déplaces: un vélo c’est 10 kg, un vélo électrique, 20 kg, un quadricycle électrique 500 kg et une tesla, c’est 2 tonnes.

Dans la même optique que le quadricycle électrique, tu as également le vélo électrique à 4 roues. L’un d’entre eux s’appelle le “Podride”, il fait 70 kg et 80 cm de large. Pour les trajets domicile-travail, c’est l’optimum en termes de vitesse / poids / prix à l’achat …etc.

Le “Podride” et son inventeur

Entre les transports en commun, le vélo, le vélo électrique, le Podride et le quadricycle électrique, on a assez d’options pour couvrir les trajets domicile-travail de tout le monde, le tout en réduisant la consommation énergétique par personne.

Quels sont d’après toi les freins et les incitations qu’il faut mettre en place pour les lever ?

Concernant les petites voitures, si on ne fait pas d’incitation fiscale forte, on sait que ça ne marchera pas. A l’inverse, avec une incitation, cela peut “cartonner”.

En Norvège, ils ont déformé le marché 2 fois d’affilée parce que tu as une taxe à l’achat de 100% en fonction du véhicule. Au début des années 2000, avec Kyoto, les pays d’Europe encouragent le diesel pour réduire les émissions de CO2. En Norvège, ils sont passés de moins de 10% à 75% de diesel en 2007. Depuis, ils ont changé leur fusil d’épaule à cause des émissions de dioxyde d’azote (NO2) et misent sur l’électrique. Résultat: c’est le premier pays du monde en matière d’immatriculations de véhicules électriques.

Pour ma part, je pense qu’il faudrait mettre une vignette annuelle basée sur le poids. Les voitures lourdes vont ainsi financer les voitures légères. Cela nous permettrait de réduire à néant le déficit commercial avec l’Allemagne qui oscille entre 5 et 8 milliards d’euros par an et de devenir les champions du monde de la voiture à 500 kg.

8 réponses
  1. corsaire
    corsaire dit :

    J’aime le principe des vehicules à 500 kg, mais que se passe t-il lors d’accidents ? Si une voiture de 500 kg percute une voiture de 1,5 tonne je donne pas cher de la vie du conducteur de la voiture legere, faudra t-il des voies spéciales pour ces vehicules comme pour les vélos ?

  2. ben Lanz
    ben Lanz dit :

    le stockage d’énergie électrique en l’état actuel des choses n’est pas la solution
    l’air comprimé ne rapporte rien à nos chers industrielles donc on fait comme si c’était pas possible.
    un véhicule personnel avec une autonomie de 100 kilomètres et une capsule style Smart qui résiste a un choc frontal de 130 kmh sans confort est largement concevable à l’air comprimé
    750 bars et 200 litres ça fait de l’énergie
    mais la planète ne crie pas assez fort pour l’instant
    continuez donc a jouer avec du faux argents a détruire une vraie planète

  3. Franck l
    Franck l dit :

    La voiture est bel et bien le dernier symbole de liberté dans notre monde. Avec ces systèmes de taxe, seuls les plus aisés pourront posséder ce possible cesame à l’évasion, les autres étant comdamner à rouler à vélo été comme hiver pour aller gagner de quoi payer leur studio et leur bouffe chez Lidle. Voilà l’image caricaturale que me renvoie cette évolution. Si le problème est la concentration de pollution en centre ville commençons par éviter que les nons résidents puissent y pénétrer avec leur auto exception faite aux professionnels pouvant justifier de la nécessité d’y entrer. Par pitié foutez la paix aux gens qui ont decidé de vivre loin de tout ça, eux ne sont pas les acteurs du problème. Je pense avoir saisi qu’il s’agit ici de répondre à court terme à des problèmes négligés pendant trop longtemps, mais ne peut on pas ouvrir la pensée à un modèle de société différent. L’auto symbole de liberté mais aussi de consommation de masse est un pivot de ce changement mais je pense que nous devons continuer à pouvoir nous déplacer tous pour pas cher, de manière autonome et cela doit rester un axe fondamental à toute réflexion sincère. L’air comprimé étant une alternative intéressante et donc enterrée immédiatement.

  4. Nicolas Meilhan
    Nicolas Meilhan dit :

    On peut aussi interdire les voitures de plus d’1 tonne en ville, ce qui est plus équitable socialement – le sujet est bien la ville comme je le dis dans l’interview, où la voiture individuelle n’a plus sa place sauf si elle pèse moins d’1 tonne, comme une Smart ou une Twingo.

  5. Franck l
    Franck l dit :

    Merci de prendre le temps de lire nos com qui manquent surement un peu de fond, c’est très classe ! 🙂

  6. Bouddha Vert
    Bouddha Vert dit :

    Louis XIV, tout roi qu’il était ne pouvait pas s’offrir un moteur d’une puissance de 50 CV (Son carrosse devait en posséder 8 au maximum), alors croire que nous allons passer de 1 à 4 milliards de bagnoles, fussent elles à l’air comprimé…
    Au fait l’air comprimé, ce n’est pas une énergie primaire! Donc il faut le fabriquer …mais avec quoi?
    Aujourd’hui, un réservoir de 300l à 300 bars (Ce qui est déjà énorme, au delà la quantité d’énergie pour comprimer affaiblit le rendement) offre pour une mini voiture de 700kg une autonomie en ville (50km/h) de 70 à 140 km.
    D’ici à ce qu’il y ait des compresseurs dans tous les coins de France (qui fonctionnent à quoi?)
    C’est une tellement bonne idées que le capital et l’industrie sont allés titiller la R&D:
    Peugeot, Citroën, Basch, Faurecia, Honda, Volvo, Cadillac, MDI, Energine ce sont tous essayés à cette technologie, ils en ont tiré les conséquences;
    Il est physiquement impossible de comparer en puissance, facilité de transport, autonomie ce que représente le pétrole et l’air comprimé, et comme le consommateur ne change pas.
    Le pétrole, préparé pour nous durant minimum 30 millions d’années, a façonné nos sociétés en nous extrayant en 50 ans d’une situation séculaire, millénaire, on dispose individuellement de peu d’énergie donc notre action individuelle sur le monde est faible, rien ne bouge.
    Autant d’énergie concentrée dans les hydrocarbures sont autant de capacité d’action sur le monde, mais y en a plus assez et en plus cela pollue!

    Donc le jour où il faut en consommer moins, j’espère que notre société ne nous laissera pas cramer ce qui reste dans des voitures individuelles.
    Quant au déplacement révé pour tous, cela a démarré avec les films de James DEAN et aujourd’hui c’est un cauchemar, il faut se réveiller.

  7. Portaz Armand
    Portaz Armand dit :

    Oui la voiture de moins de 500 kg dans un espace urbain où la vitesse est généralement limitée et apaisée pourrait avoir sa place.
    Mais j’ai du mal à imaginer ce type de véhicule pour des pendulaires du peri urbain empruntant des voies express.
    En revanche pour ces derniers, j’imagine plus des solutions de BHNS ( Bus à Haut Niveau de Service ) sur voie en site propre.
    Solution mise en place à Nantes et en partie sur Grenoble où les bus pour cette dernière circulent aujourd’hui sur la bande d’arrêt d’urgence côté accès Ouest de Grenoble.

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